La vie devant soi


Depuis quelques années, disons depuis que j’ai passé 50 ans, à la question « quel âge as-tu ? », je suis incapable de répondre spontanément. J’avoue devoir calculer pour donner mon âge, et il n’est pas rare que je me trompe. Rien à voir avec une coquetterie quelconque, ni même à une certaine réticence. J’en suis incapable, voilà tout !

Dois-je y voir un trouble inconscient et alarmant ?
En tout cas, alors qu’encore dernièrement la chose me faisait sourire, je commence à présent à gamberger. Jusqu’à me demander depuis quand l’on ne m’a plus dit, « … oh toi, tu as la vie devant toi ! ».

Pourtant, je ne devrais pas m’attarder sur le sujet. Si l’on en croit les statistiques, les hommes en France ont une espérance de vie de 80 années. Les femmes, sacrées veinardes, 85.
Certes ! Mais il s’agit d’une moyenne. Dans quel quartile vais-je me situer ?
Mais après tout, je me rends bien compte que la question est stupide. L’être humain n’est pas une statistique. D’ailleurs, si tel avait été le cas, cela ferait bien longtemps que j’aurais rejoint LE et mon créateur.

Mais au juste, cela veut dire quoi, « avoir la vie devant soi » ? Nous vivons tellement de nos jours dans l’urgence, que j’ai l’impression que bien des gens vivent précisément dans l’urgence en permanence.
Notez bien que pour la plupart, tout cela n’a rien à voir avec la sagesse de vivre l’instant présent. Non ! J’ai franchement l’impression que nous sommes plutôt guidés par nos peurs. La peur d’arriver en retard, la peur de ne pas avoir le temps, la peur d’échouer, la peur d’un environnement hostile, la peur que le ciel nous tombe sur la tête, … et finalement, la peur de nous-mêmes.
Alors, on anticipe, on se projette, et on se dépêche.
Parfois, on cherche à vivre plusieurs vies en même temps. Et pour le moins, on se dédouble. Grâce aux réseaux sociaux, on mène deux vies parallèles. L’une est réelle, l’autre est virtuelle. Tiens, j’y pense tout à coup ! Cette aspiration serait-elle à l’origine des audiences exceptionnelles des émissions de télé réalité ou de l’appétence toute particulière des jeunes générations pour les jeux à réalité augmentée ? Il faudrait qu’un de ces jours, à mes moments perdus, je creuse l’idée …

Une question me vient soudain à l’esprit (décidément, que de questions !). Le plus important, est-ce, avoir la vie devant soi, ou vivre sa vie ?
N’ayant plus le luxe de la jeunesse, le choix pour moi est tout trouvé. Je crois bien qu’il serait sage, pour le temps qu’il me reste, de tenter de vivre ma vie.

*****

Cette semaine, un Didier Regard très inspiré !

Calendrier rageur
Une date donne ma naissance
Je me devais d’être à l’heure
Pour laisser vieillir mes sens

Dans l’usage de cette ferveur
C’étaient faveur et félicité
Sous un sein pour me protéger
Sous  les temps de grandes chaleurs

J’ai fermé mes paupières
En écoutant la voix de mon père
« Tu as toute la vie devant toi »
Et j’ai cru avoir un toit

Pour me blottir dessous
Sans prendre de mauvais coups
Durant ces longues années
Où mon cerveau était en apnée

Avec des lendemains qui recommencent la même journée
Pourvu de respirations alternées
J’humectai ma bouche
J’humectai mon visage

Face à mon âge en bouche
Ces paroles ne furent qu’adage
D’autres vies sont devant mon aura
Dans cette course du rat

Elles sont ma souche
Dans laquelle je me couche
Jaillissant de mon tombeau
Sous la lune du haut

La mort est derrière moi 

Découvrez les poèmes de Didier Regard et aussi ses tercets

*****

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1 commentaire

  1. Quelle sage décision, mon ami… ah! Si seulement cette sagesse nous avait frappée lorsque nous avions la jeunesse en partage. Un jour à la fois, un moment à la fois… et bien le savourer… s’ouvrir les yeux à la vie et à la beauté de notre monde. Savourer chaque moment à plein et trouver de quoi de beau et de très plaisant pour remplir notre journée.

    Un café à une terrasse? Une bonne bière fraîche dans un pub? Une promenade en nature? Lire un livre sur la terrasse par un beau jour d’été avec une bonne limonade maison? Regarder la pluie tomber et humer l’air emplie des saveurs de la terre mouillée? Déguster une frite assis sur un banc de parc en face d’un étang où nage des cygnes élégants? Prendre son temps… prendre le temps de respirer… prendre le temps de vivre.

    Nous n’avons peut-être plus le luxe de la jeunesse mais nous avons maintenant acquis le luxe de la sagesse … enfin… oui bon… disons que c’est un travail en cours car ce n’est pas évident de devenir sage tout d’un coup… ça demande de la concentration et aussi de se défaire d’un tas de culpabilités… Ah! Tu fais la sieste? Tu prend le temps de te promener au lieu de travailler? Quel paresseux tu fais! Oui et???

    Nous sommes maintenant à une époque de nos vies où il faut faire fi de toutes ces âneries et vivre notre vie! Nous avons assez vécu celle des autres maintenant, c’est notre tour de déguster les délices de notre vie.

    Que de beautés nous attendent, mon ami!

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