Printemps 2009
Dans les médias, avril à mai
Le Mexique est déclaré « foyer initial » de la grippe A/H1N1 par l’Organisation mondiale de la santé (oms). Très rapidement et grâce à tous les médias, la population mondiale fait connaissance avec des mots ayant valeur d’épouvantail : épizootie, épidémie, pandémie…
Les spécialistes de la santé et bientôt les responsables politiques qui leur emboîtent le pas s’en donnent à cœur joie, tout heureux d’étaler pompeusement leurs doctes propos sur les chaînes de radio ou devant les caméras de télévision.
D’une semaine à l’autre, puis jour après jour, enfin heure après heure, les informations éclatent comme le bouquet d’un feu d’artifice, un soir de fête nationale.
Les experts s’agitent hors de leur laboratoire à la recherche d’une heure de gloire jusque-là improbable. Entre l’énumération des pays où l’on recense les premières personnes atteintes et la bataille des chiffres, le vulgum pecus hésite entre céder au catastrophisme et crier à la manipulation, voire au complot contre l’humanité.
Toutes sortes de rumeurs s’inscrivent insidieusement dans les arcanes les plus obscurs de l’ONU, pour échouer sur les bureaux des représentants permanents du Conseil de sécurité. Leur filtre respectif traduit le degré de paranoïa ambiante et fait naître des options délirantes à peine chuchotées, depuis l’erreur de manipulation au fin fond d’un laboratoire jusqu’à l’émergence d’un apprenti sorcier orchestrant diaboliquement une contamination fantasmatique.
Les programmes de modélisation se montrent prompts à répandre la mort et affolent les compteurs, ce qui pousse les gouvernements des pays riches à remplir les bons de commandes de doses de vaccin avec des chiffres renversants.
Montpellier, le 25 mai
Après huit longues années passées dans le Sud-Ouest, Maxime organise son retour vers la capitale. Dans quelques semaines, il prendra la responsabilité du service des urgences de l’hôpital Lariboisière dédié aux céphalées. Il a hâte d’y retrouver Alice.
Ils se sont aimés dès leur toute première rencontre sur les bancs de la faculté de médecine, voilà quinze ans. Il est médecin neurologue et urgentiste de vocation ; il n’a pas quitté Montpellier et sa région. Elle est devenue une immunologiste émérite ; elle court à travers le monde, et cela fait trois mois qu’elle arpente la forêt amazonienne. Depuis quelques jours, leurs trajectoires vont enfin se rejoindre, et il espère qu’ils vont pouvoir construire un avenir durable, à deux. Dès qu’il connaîtra le jour exact de son retour, il viendra la chercher à Roissy, en provenance de Rio.
Il ferme un dernier carton, puis il retire une à une les photos épinglées sur le panneau en liège de l’entrée du petit deux-pièces pour les jeter pêle-mêle dans une vieille boîte à chaussures. Il s’attarde sur les clichés de la canicule de 2003 et les sourires de jeunes ruisselants, exhibant les stigmates d’une galère médicale d’un autre siècle. Il jette un œil distrait sur une manifestation bon enfant de médecins urgentistes, place de l’Ancienne Comédie, et finit par ne plus prêter attention aux autres souvenirs qu’il entasse. Il n’éprouve aucune nostalgie ni du passé, ni à l’idée d’abandonner le meublé dans lequel il s’est toujours considéré comme en transit.
Un transporteur enlève les quelques cartons qui matérialisent la tranche de vie qui s’achève. Il ne lui faudra qu’une petite demi-heure pour établir l’état des lieux et remettre ses clés au représentant de l’Agence. Alors que ses pas le conduisent vers la gare, ses pensées le mènent résolument vers demain.
Corée du Nord, le 25 mai
L’état de santé de Kim Jong-il, le dirigeant de la République populaire démocratique de Corée du Nord, reste préoccupant ; pendant ce temps, une lutte sans merci pour le pouvoir fait rage au sein de l’élite nord-coréenne.
Dans l’un des bureaux du palais présidentiel, quatre hommes en rupture avec les méthodes du dictateur sont réunis. Le ténor de ce groupe clandestin est déjà bien connu sur la scène diplomatique internationale ; c’est un membre influent de l’entourage du dirigeant du pays. Shura Sang-woo sait qu’il n’a aucune chance d’accéder à la tête de l’État mais il refuse l’idée que ce soit l’un des fils du « Cher Leader » qu’il juge indignes et aussi incapables les uns que les autres de prendre la place qu’il convoite tant. Rompu à l’exercice de la vie politique nord-coréenne, il ne désespère pas de jouer le premier rôle dans la course à la succession. D’ailleurs, il n’a pas eu trop de mal à convaincre les trois autres hommes clés du pouvoir qui se tiennent à ses côtés, pour représenter une alternative en cas d’une défaillance du « Cher Dirigeant ». Ces hauts dignitaires du Parti refusent que le « Pays du matin calme » se laisse phagocyter par la Corée du Sud. Ils rêvent d’une Corée réunifiée et suffisamment forte pour occuper la place qu’elle n’aurait jamais dû quitter sur la scène internationale.
Autour de lui se tiennent donc, Cheong Tseu-un, responsable du programme nucléaire du pays, Choe Chol-jin, docteur en médecine et virologiste de classe mondiale, et le Général Park Min-ho, membre éminent du Comité national de défense. Les actions dont chacun a la charge sont sur le point d’aboutir.
En l’espace de quelques mois, le monde a appris avec stupéfaction que deux explosions nucléaires avaient été effectuées avec succès et qu’un missile balistique à longue portée avait été lancé ; la petite nation démontrait ainsi ses progrès en matière de destruction… Grand stratège et architecte d’un combat mené depuis cinquante ans, Cheong Tseu-un connaît enfin la consécration. Il arrive tout juste de Yongbyon, le centre d’essais nucléaires bien connu de l’Agence internationale de l’énergie atomique, et son air triomphant n’a pas échappé à son entourage. Si souvent courbé sur son bureau et ses calculs, son corps s’est littéralement transformé. Ses épaules ont basculé en arrière, son cou s’est imperceptiblement tendu, son menton est à présent relevé, et ses narines se sont écartées de telle sorte que l’air gonfle son torse, ce qui lui donne un sentiment palpable de puissance infinie.
De son côté et dans la plus grande discrétion, l’équipe du docteur Choe Chol-jin, au bout de cinq longs mois de recherches, vient d’élaborer un poison résistant capable de se propager à la vitesse d’une banale grippe. Après avoir manipulé les virus les plus dangereux, son unité de recherche a réussi à créer LE virus mutant, redoutable combinaison entre celui de la grippe saisonnière, contagieux mais somme toute assez inoffensif, et le gène du virus H5N1, peu contagieux mais responsable d’un taux de mortalité ahurissant. Choe Chol-jin est, lui aussi, empli de l’immense fierté d’avoir réalisé ce qu’il considère comme son chef-d’œuvre.
Ils se sont réunis car une information de dernière main semble entraver la réussite de leur grand projet. Des correspondants occidentaux viennent de leur révéler qu’une expédition scientifique en Amazonie aurait trouvé une sorte d’antivirus puissant, capable d’enrayer une pandémie. Shura Sang-woo se décide enfin à rompre le silence :
– Nous ne pouvons prendre aucun risque. Général, faites ce qu’il faut !
…
Amazonie, le 27 mai
Alice dérive les yeux grands ouverts ; le ciel est zébré d’éclairs. Il fait doux. Ses oreilles sont immergées au fond de sa barque, mais elle distingue le clapotis assourdi de la pluie sur l’Amazone. Le courant la porte délicatement et sans effort. Elle en aurait presque le mal de mer. Soudain, une branche d’arbre lui fouette le visage et la fait chuter de sa frêle embarcation.
Dans un cri d’effroi, elle se réveille en sursaut faisant gicler des gouttes d’eau boueuses tout autour d’elle. Un des piquets qui soutient la tente s’est effondré sur elle et un lambeau de toile lui recouvre le haut du corps. Elle barbotte.
Une fois de plus, leur campement vient d’être envahi par une montée subite des eaux. Dans la région, c’est presque devenu une habitude. La forêt qu’ils doivent traverser pour rejoindre la civilisation a une topographie changeante, voire aléatoire. Depuis des millénaires, buissons, herbes géantes et branches basses forment un domaine marécageux très dense qui se transforme au gré des humeurs des eaux. Lorsque ce phénomène naturel se produit, rien n’y échappe, pas même le campement choisi avec soin par leurs guides expérimentés.
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