« Clair de Lune »

Le couple paraissait si effondré que les chaises sur lesquelles cet homme et cette femme étaient assis semblaient supporter deux fois leur poids.
L’angoisse suintait de tous les pores de leur peau.
Décidé à en finir au plus vite, Janssen prit leur déposition, tout en essayant de leur expliquer que la priorité d’une fille de 24 ans n’était peut-être pas de tenir au courant ses parents de tous ses faits et gestes, dans une saison, où même les pervenches papillonnaient en souriant.
Certes, l’homme, qui semblait être le seul capable de s’exprimer posément, prétendait que sa fille avait disparu. Mais elle était majeure, et le seul fait qu’elle n’ait pas donné de ses nouvelles depuis trois semaines ne lui semblait pas suffisant pour mettre en alerte tous les flics de France.
Mais ce père décidément inquiet lui tendait un dossier très épais.
L’inspecteur jeta un œil distrait sur un extrait d’acte de naissance, une copie du livret de famille, une adresse à Londres, et plusieurs noms prolongés d’un numéro de téléphone. Il fit mine de s’intéresser à l’album de famille en le feuilletant rapidement. Sous chaque photo figurait une légende mentionnant un lieu, une date, une tranche de vie heureuse. Il remarqua la présence régulière d’un garçon aux côtés de leur fille.
– Votre fils ? s’enquit-il, le doigt pointé sur l’un des clichés.
– Oh non, inspecteur. Il s’agit de Pierre, un camarade de Manon. Ils se sont perdus de vue à la fin du lycée.
Sur la dernière photo, le visage de Manon mangeait la totalité du cadre. Elle rayonnait devant le gâteau d’anniversaire de ses dix-huit ans. La pensée que le numérique avait dû prendre le relais depuis cette date traversa furtivement l’esprit de Janssen. Il demanda – sans toutefois attendre la réponse pour la décoller – s’il pouvait garder la photo.
– Pour les besoins de l’enquête, s’excusa-t-il distraitement, sans même prêter attention aux larmes qui inondèrent définitivement le visage de la mère.
À sa plus grande surprise, il découvrit également dans le dossier un magazine de mode féminine. Il le feuilleta sans comprendre, et lança un regard interrogateur à l’homme dont les traits étaient creusés par une cinquantaine marquée.
– C’est la dernière couverture qu’elle ait faite, se vit-il préciser sans transition.
Il juxtaposa la photo que contenait le dossier avec celle de la « une » du magazine, et resta sans voix. Il lui fallut comparer à plusieurs reprises les deux visuels pour se convaincre qu’il avait sous les yeux la même personne.
– Je sais, reprit le père. La première fois que nous l’avons vue dans l’un de ces magazines, pour nous aussi, ce fut un choc.
Janssen était encore plus troublé qu’il ne le laissa paraître. Il conclut l’entretien en faisant la promesse de voir ce qu’il pourrait faire.
L’homme lui serra la main en le regardant dans les yeux avec tant de reconnaissance que le policier eut du mal à détourner le regard. À cet instant précis, il réalisa qu’il n’avait pas entendu le son de la voix de cette mère anéantie par l’incertitude.

* * *

Bien plus tard, en toute fin de journée, Janssen rentra chez lui, aussi asséché d’humanité et seul que d’habitude.
Il avait ouvert son réfrigérateur machinalement et sans trop d’espoir, pour le refermer aussitôt, tout en se disant qu’un jour il faudrait qu’il pense à faire des courses.
Un appel à l’Italien du bas de son immeuble et, un quart d’heure plus tard, il dînait d’une belle part de pizza et de quelques délicieux antipasti que le patron avait spontanément ajoutés à sa commande.
Il se resservit un verre de whisky et se mit à glaner quelques informations sur le Web pour mieux faire connaissance avec la belle disparue.
Il tapa de mémoire son nom sur le clavier, mais le moteur de recherche resta désespérément muet, sans même proposer une orthographe différente. Il prit sur la table le magazine que le père lui avait confié et le feuilleta jusqu’à trouver l’article auquel renvoyait la couverture. Après avoir lu la légende sous la photo, il comprit que pour un flic chevronné, il avait sacrément manqué de jugeote. Il n’arriva pas à se consoler en relevant qu’il s’agissait de sa première enquête sur un mannequin, et c’est en laissant échapper un « Non mais, quel con ! » magistral, qu’il pianota son pseudo : Colombine Clayton.
C’était une sage précaution de prendre un pseudo lorsque l’on embrassait ce genre de carrière. Une précaution certes, mais malheureusement pas une assurance tous risques !
Il surfa de site en site sans rien trouver sur sa vie privée, mais découvrit des dizaines de photos de mode où la jeune femme apparaissait dans des tenues parfois griffées par les plus grandes maisons de haute couture. La mode était décidément bien éloignée de son propre univers, et il jugea qu’il était temps pour lui d’aller se coucher avant de passer pour un vieux pervers libidineux.

L’image du top-modèle l’avait hanté toute la nuit.
Las de se battre avec son oreiller, il prit rageusement la décision de se rendre dès l’aube à son bureau. Et, malgré une surcharge de travail chronique, il ne résista pas à la tentation d’entamer une enquête préliminaire.
La jeune femme avait été plutôt discrète depuis ces trois dernières semaines : pas de mouvement sur ses comptes bancaires, aucun appel entrant ni sortant sur son téléphone portable. En revanche, la messagerie vocale était saturée.
À une heure pourtant respectable pour une personne n’appartenant ni au monde du showbiz ni à celui des peoples, il avait réveillé l’agent artistique de Colombine. Sans nouvelles de sa protégée, sa colère semblait non feinte. Elle lui apprit que Colombine avait planté cinq séances de shooting et que son corps de déesse ne serait certainement pas suffisant pour sauver sa réputation. Prétextant qu’elle avait autre chose à faire que de rattraper les caprices d’une jeune écervelée, elle redoubla de mots peu amènes lorsqu’il l’invita fermement à passer au commissariat dans l’après-midi.
Au fond de lui-même, Janssen savait pertinemment qu’il n’avait pas encore suffisamment d’éléments inquiétants pour intensifier les recherches. L’hypothèse que Colombine, tout comme des dizaines de milliers de personnes en France chaque année, ait volontairement choisi de disparaître pour se soustraire à la pression de son métier, ou tout simplement l’idée qu’elle roucoule dans un endroit paradisiaque à l’abri des regards indiscrets, ne pouvaient être exclues.
Pourtant, il n’arrivait pas à oublier les photos de la jeune femme qui circulaient sur le Net. Des photos qui auraient pu donner des idées à bien des détraqués. Et si tel avait été le cas, après trois semaines de disparition, il ne donnait pas cher de sa peau.
Néanmoins, il lui était difficile de bâtir une théorie sur une simple intuition. Il avait besoin de moyens supplémentaires pour retrouver rapidement sa trace, et pour cela, il fallait qu’un juge lui donne un coup de main.
Était-ce le désarroi des parents ou plus probablement la beauté de la jeune femme qui avait motivé Janssen à produire un dossier suffisamment solide au Parquet ? Était-ce le sérieux de sa réputation qui avait finalement emporté la décision ? Un juge lui devait-il un retour d’ascenseur ? Personne n’aurait osé se lancer dans un tel débat. Mais dès le surlendemain, l’ouverture d’une information judiciaire était officiellement prononcée. Elle lui donnait ainsi les ressources dont il avait besoin.
Un appel à témoins ayant été lancé et une dépêche AFP – photo et numéro de téléphone à l’appui – avait atterri instantanément sur tous les bureaux de presse. La machine médiatique s’était emballée.
En ce début du mois d’août, la nouvelle de cette disparition était une aubaine pour des journalistes qui peinaient à remplir leurs colonnes. Ils tenaient un vrai sujet. Un filon qu’ils allaient pouvoir faire durer le temps qu’une catastrophe ou un autre fait divers bien sanglant interviennent et puissent prendre le relais.
Bientôt, aux articles parus sous les rubriques des faits divers des quotidiens, succédèrent ceux de la presse people. La jeune femme faisait la couverture de la plupart des magazines hebdomadaires. C’était un vrai succès. Le buzz fut tel, que les chaînes de télévision étoffèrent leur « 20 heures » de reportages dévoilant les coulisses des défilés de mode. Loin de l’ambiance glamour à faire pâlir d’envie la jet-set et les midinettes des beaux quartiers, loin des strass et des paillettes qui entourent d’ordinaire les sorties de collections, le ton était tout à la fois lourd de sens et dramatique à souhait. Tout y passa, de la compétition sans pitié entre les mannequins à l’anorexie encouragée, sans omettre de vilipender la pratique des photos trompeusement retouchées. Les mots ne semblaient pas assez durs pour condamner cet univers artificiel et impitoyable.
La famille, les relations professionnelles plus ou moins proches de la jeune femme, et même les voisins, tous se virent assaillis par des demandes d’interviewes dont la transcription ne relevait souvent que les éléments pouvant servir les gros titres de la presse à scandale.

Au début de la campagne de presse, tous les enquêteurs s’étaient félicités de voir ainsi mis en lumière les portraits de Colombine et de Manon. Mais désormais, l’heure était au désenchantement. Cela faisait longtemps que la ligne téléphonique réservée était saturée, et force était de constater que répondre à tous les appels mobilisait trop de personnel pour recueillir des éléments souvent inexploitables, quand ils n’émanaient pas de déséquilibrés tout juste bons à être enfermés sur le champ.
À l’évidence, le battage médiatique nuisait à l’efficacité de l’enquête et, les jours passant, le découragement envahissait les locaux du commissariat. Même les plus imbéciles savaient que le temps jouait en la défaveur de la jeune disparue. Et si l’hypothèse de l’enlèvement devait être avérée, les chances de retrouver Colombine vivante étaient de plus en plus minces.
Les hommes chargés de l’enquête avaient copieusement auditionné chacun des membres de sa famille, son agent, son attachée de presse, les dernières personnes ayant été en contact avec elle. Le tour avait été très vite fait. D’ailleurs, ses proches s’accordaient à la trouver trop occupée pour avoir une relation suivie. Personne ne lui connaissait de petit ami ; pas même une aventure. Manon appartenait à ce type de jeunes femmes que les hommes n’osaient pas approcher, les jugeant inatteignables et déjà fort courtisées.
L’équipe de Janssen avait même retrouvé sans grande difficulté l’ami d’enfance du mannequin. Interne sans histoires à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, Pierre Beaumont avait une tête de premier de la classe plutôt qu’une gueule de salaud. Il ressemblait au gendre idéal dont tous les parents rêveraient pour leur fille. Sa réaction à l’annonce de la disparition de Manon avait été d’un naturel compatissant, et  d’une banalité affligeante pour un policier en manque de suspect.
Au Royaume-Uni, où elle résidait entre deux défilés ou séances photos, Colombine était une parfaite inconnue. La fouille de son appartement londonien n’avait permis de relever aucun indice particulier ; pas de trace de lutte, pas une goutte de sang. Et à l’exception des empreintes, fidèles à celles enregistrées pour l’établissement du passeport biométrique de Manon, Scotland Yard n’avait rien trouvé. Les voisins avaient été unanimes en décrivant une jeune femme « so pretty » et dont les rares nuits passées chez elle ressemblaient à celles d’une nonne faisant pénitence. Et pour couronner le tout, à l’étranger comme en France, elle était toujours chaperonnée dès l’instant où elle débarquait d’un avion ou descendait d’un train. Son emploi du temps était chronométré comme pouvait l’être un 100 mètres aux Jeux Olympiques.

Deux mois de recherches sans aucun résultat.
Ils avaient tout envisagé. Mais rien. Nada ! Aucune piste n’avait pu être dégagée. Janssen, qui d’ordinaire se prenait pour le bras armé de Dieu lorsqu’il résolvait une affaire, se sentait aussi inutile qu’un flingue sans cartouche.
Le coup de grâce était intervenu lorsque les médias avaient reniflé leur nouvelle proie. Enfin, la naissance du Royal Baby n’allait plus tarder. Il était donc temps de diriger l’intérêt du grand public sur cet événement majeur.
Et puis, un dimanche plus alcoolisé que d’ordinaire, il fut persuadé qu’il pourrait découvrir le visage souriant de Colombine au fond de sa dernière bouteille de whisky. Il dut néanmoins très vite se rendre à l’évidence, cet ange s’était évaporé.
Il fallait donc bien qu’il en convienne : Manon Mercier, alias Colombine Clayton, avait définitivement disparu.
Alors un soir, après être resté prostré un long moment, les poings serrés au fond des poches de sa veste, à regarder les gouttes de pluie qui défiguraient la nuit parisienne, il se résolut à ranger l’épais dossier dans l’un des tiroirs de son bureau.
Il préférait le garder à portée de main, au cas où un nouvel élément surviendrait. Un geste dérisoire et mensonger pour se convaincre qu’il n’avait peut-être pas encore échoué.

* * *

Depuis qu’il l’avait kidnappée, et au détail près qu’il lui avait fait une injection létale pour la vider de son cerveau et de toutes ses entrailles, il l’avait traitée avec l’attention qu’une mère pouvait porter à sa progéniture. Cinq mois qu’il s’occupait d’elle. Cinq mois au cours desquels toute manipulation de son corps n’avait été que précision et délicatesse.
Du premier jour où il s’était fixé cette mission, il avait mesuré l’ampleur de la tâche. Il savait qu’il n’aurait pas droit à l’erreur. Et, pour réussir, il s’en était donné les moyens.
Si ses parents avaient pris en charge le coût que représentaient ses études, ils étaient loin de se douter que tout l’argent placé sur un compte d’épargne depuis le jour de sa naissance avait été englouti au profit de la réalisation de son chef-d’œuvre. Des livres, beaucoup de livres, et un laboratoire équipé d’un matériel sophistiqué, dissimulé dans un box climatisé qu’il avait loué dans un garde-meuble, formaient le gros de ses investissements. Mais les pièces maîtresses de son apprentissage étaient deux poupées pour adultes dénichées sur Internet. Rien à voir avec les poupées gonflables bonnes à assouvir les fantasmes des détraqués ou ceux des désargentés en état de misère sexuelle.
L’une lui avait permis, en la désossant, d’analyser et de tester dans les moindres détails l’ossature articulée en aluminium ; l’autre avait servi aux tests de maquillage et au calage de l’équilibre qu’il voulait donner à Colombine dans sa posture finale.
Il avait choisi le modèle de luxe, 1m75, chevelure blonde et abondante, le tout moulé en silicone. Le genre de poupée dont on peut devenir fol amoureux, avec qui l’on peut mimer une vraie vie de couple, avant de finir tout doucement à l’asile. D’ailleurs, il commençait à penser qu’il était grand temps que son œuvre s’achève. Lui qui était raide dingue de Manon, il se surprenait déjà à tenir des conversations et à confier ses plus tendres secrets à ces vulgaires morceaux de caoutchouc. Une fois son oeuvre parachevée, il pensa qu’il faudrait porter sans tarder ses pantins désarticulés à la décharge.
Mais les sacrifices qu’il avait consentis pour elle n’étaient pas uniquement financiers. Pas de petite amie, pas de virée entre potes, ni cinéma ni télévision et encore moins de jeux vidéo : une existence construite sur une abstinence monacale. Il lui avait tout simplement donné six années entières de sa vie. Il avait dû tout apprendre, jusqu’à devenir un expert maîtrisant la théorie et la pratique à la perfection, et ce, dans des disciplines si différentes et complémentaires à la fois.
Bien qu’au début la problématique du maquillage l’avait plus particulièrement effrayé, il n’avait finalement pas eu besoin de prendre des cours. Les photos et les chroniques beauté des magazines féminins avaient été largement suffisantes pour lui donner les connaissances nécessaires, et une boutique spécialisée en accessoires pour esthéticiennes lui avait fourni de quoi s’exercer à loisir.
En fait, c’étaient les cheveux qui lui avaient donné le plus de difficultés. Mais après plus de trois semaines de travail, il avait finalement réussi à recréer la longue chevelure des 18 ans de son modèle.

Ce soir, en sortant délicatement la tenue de Colombine, il se remémorait dans les moindres détails les instants qu’il avait passés dans le dressing de l’appartement de Notting Hill. Un monde jusqu’alors inconnu s’était offert à lui.
Au milieu d’un linéaire parfaitement aligné, il avait choisi avec soin une superbe robe noire. Le décolleté lui permettant de faire l’impasse sur un soutien-gorge, il n’avait ressenti aucune émotion particulière lorsqu’il avait ouvert par erreur le tiroir adéquat. En revanche, il avait senti le rouge lui empourprer les joues et comme un tiraillement naître dans ses tripes lorsqu’il avait hésité devant les petites culottes sagement alignées. Il s’était finalement décidé pour un boxer en dentelles noires. Il avait également pris une paire de bas de voile noir qu’il avait caressés longuement ; un geste dont il avait si souvent rêvé, sans jamais se l’autoriser. En saisissant la paire de Stilettos, il s’était demandé comment les femmes pouvaient marcher avec des talons aussi pointus.
Il en sourit encore lorsque cette pensée lui revint en tête. Il inspira doucement en fermant les yeux. Quelques effluves lui chatouillèrent les narines à l’instant où il se revit dérober le flacon de parfum.

La desserte, placée parallèlement à la table sur laquelle Colombine gisait, était recouverte d’un drap blanc. Il ne fallait pas que ses vêtements puissent être tachés. Comme s’il tentait de les faire glisser à l’aide d’une souris d’ordinateur et de les placer d’un clignement d’oeil pour tout clic, son regard oscillait entre chaque pièce du puzzle et la partie du corps à revêtir.
Il y prenait un plaisir indescriptible.
Il achevait son œuvre en la sublimant. Il lui donnait naissance sans même l’effleurer. Elle allait bientôt prendre vie.
Après ce long moment extatique, il se décida à l’habiller, et mit sa paire de gants blancs. Après tant d’efforts, il ne devait se souiller à aucun prix. Maintenant il en avait acquis la certitude, en créant une autre Colombine, il exorcisait pour toujours l’esprit de Manon. Elle pourrait enfin reposer en paix.

* * *

Tous les quinze jours, monsieur Mercier passait au commissariat et inlassablement, il demandait si l’inspecteur était à son bureau.
Rien, si ce n’est l’annonce de la mort de sa fille, n’aurait pu l’empêcher de venir prendre des nouvelles de l’enquête. C’était sa façon de s’assurer que la police la recherchait toujours, que sa fille n’avait pas été oubliée. Mieux encore, il était persuadé qu’ainsi, il la maintenait en vie.
Le voir passer la porte de son bureau faisait à Janssen l’effet d’un reproche silencieux.
« Mais non, il était désolé. Toujours rien… Oui, bien sûr, il le préviendrait si un élément nouveau intervenait ». Et aussi discrètement qu’il était venu, ce père au teint désespérément plus gris, visite après visite, repartait un peu plus anéanti qu’à son arrivée.
Alors aujourd’hui, tandis que le policier de permanence à l’accueil le prévient par l’intercom que monsieur Mercier le demande, Janssen fait dire qu’il est absent. Le courage lui manque. Il ne se sent pas capable d’affronter le regard de cet homme.
Machinalement, Janssen porte la main sur le tiroir de son bureau, mais il n’a pas besoin de consulter le dossier pour se rappeler que cela fait cinq mois que la disparition de Colombine a été signalée.

La nuit est tombée depuis plusieurs heures lorsqu’il se décide à rentrer chez lui. La journée a été interminable et pluvieuse. Il pousse un profond soupir. Il a de plus en plus de mal à supporter la noirceur de l’âme humaine à laquelle il est confronté tous les jours. Jetant machinalement un dernier regard circulaire à son bureau, il appuie sur l’interrupteur. Mais avant qu’il n’ait le temps de se retourner, le téléphone se met à sonner. Il hésite, se demandant s’il va prendre l’appel. Il est si tard, il est si las. Janssen se résigne pourtant à décrocher le combiné dans une profonde expiration.
À la voix qui s’assure de son identité, il répond par un « oui » péremptoire, ne cachant pas son agacement. C’est alors que son interlocuteur lui délivre un message. Le message qu’il attendait depuis si longtemps.
– J’ai des informations importantes à vous révéler sur la disparition de Colombine.
D’emblée, son instinct de flic fait qu’il n’aime pas, ni le ton, ni la tournure de la communication.
Le policier restant muet, l’émissaire à la voix sarcastique et manifestement maquillée poursuit.
– Vous savez.., Colombine Clayton.., le mannequin qui a disparu depuis cinq mois. J’imagine assez mal que vous ayez pu l’oublier !
Janssen ouvre la bouche, sans qu’aucun son ne puisse toujours en sortir. Il a la chair de poule. Les poils de ses avant-bras sont hérissés au point qu’une hyperesthésie lui envahit le poignet droit. Et puis, comme si quelqu’un venait de claquer des doigts devant ses yeux, il se ressaisit et prend l’initiative de la conversation.
– Mais qui êtes-vous.., Monsieur ..?
– Sérieux, vous vous attendez vraiment à ce que je vous le dise ? reprend l’interlocuteur.
– Mais comment pouvez-vous être certain qu’il s’agit bien de cette personne ? questionne alors Janssen.
– Parce que je la vois… En fait, elle est précisément devant moi… D’ailleurs, vous la trouverez sans peine.., elle fait un casting.., avenue d’Italie.
– Un casting ? s’étonne Janssen, tout en écarquillant les yeux. Mais elle est plutôt longue cette avenue, à quel numéro ?
Mais, prenant soudainement conscience que la conversation vient d’être coupée, l’inspecteur s’interrompt.
Totalement incrédule, il repose le combiné.
Une immense bouffée d’émotion le submerge alors, mais pourtant, ses réflexes de policier reprennent rapidement le dessus. Il se rue sur son ordinateur pour tenter de trouver le complément de l’adresse qui lui manque. Très rapidement, le moteur de recherche lui donne deux adresses : celle d’une agence de mannequinat et celle d’un magasin. Il griffonne à la hâte les numéros sur le premier bout de papier qu’il trouve sur son bureau, reste debout quelques instants semblant ne pas trop savoir ce qu’il doit faire, puis, comme si une main invisible venait d’actionner la connexion « en avant toute » au sein de son système nerveux central, il vérifie qu’il a bien les clés de sa voiture en poche, et se précipite à l’extérieur du commissariat.

Vu l’heure tardive, la circulation parisienne est parfaitement fluide. Il a cependant actionné le deux tons pour se frayer plus aisément un passage entre les voitures. Mais comme s’il avait soudainement peur de faire fuir Colombine, il le coupe à l’approche du rond-point de la place d’Italie.
Les deux numéros qu’il a notés n’étant pas très éloignés l’un de l’autre, il se gare sur la première place réservée aux livraisons qui s’offre à lui. Il a décidé de faire les derniers mètres à pied.
Portes d’entrée d’immeubles et vitrines de magasins alternent irrégulièrement de chaque côté de l’avenue, faisant ondoyer zones de pénombre et lumière artificielle.
À la première adresse, côté numéros pairs, ses recherches s’avèrent infructueuses. Il traverse avec distraction, non sans se faire copieusement klaxonner par un automobiliste tout surpris de voir surgir un homme aux allures de fantôme, à quelques mètres de son capot.
Son cœur cogne furieusement à l’intérieur de ses côtes. Dans un état presque second, il se surprend à courir. Ralentissant son allure, il bougonne à l’idée de s’être laissé abuser par cet appel téléphonique qui somme toute sent la mauvaise blague à plein nez.
Après être passé devant une imposante grille, il est attiré par les vitrines éclairées d’un magasin de prêt-à-porter. Il distingue de loin le nom de l’enseigne : « Casting ». Puis, la silhouette d’un mannequin accroche son regard. Il s’approche sans pouvoir s’en détacher. Instantanément, son corps se raidit. Elle était bien là, superbe et rayonnante. Vêtue d’une robe de soirée noire, les yeux fermés, le visage tendu vers les spots incandescents, elle semblait se délecter du moindre rayon de lumière.
Hypnotisé, il s’immobilise alors de longues secondes devant tant de beauté.
Et puis soudain, la magie disparait. Implacable, la réalité lui ouvre les yeux sur l’atrocité du tableau. C’est bien son image, mais ce n’est pas elle !
La ressemblance est parfaite, mais ce n’est pas elle. Simplement un mannequin de cire comme on peut en voir au musée Grévin… À moins que… À moins qu’il ne s’agisse d’une poupée pour adulte. En tout cas, la personne qui l’a créée est sans conteste un véritable artiste. Le moulage est fort bien réussi, mais pas de doute, c’était tout de même un moulage. La perruque l’a abusé, mais ce qu’il a sous les yeux n’a rien à voir avec un corps fait de chair, d’os, et de sang.
C’est alors qu’il détaille la silhouette avec attention. Son cerveau enregistre à certains endroits des imperfections… En fait, ce ne sont pas vraiment des imperfections, mais plutôt des ressemblances si troublantes qu’il aurait juré, si la raison ne l’avait emporté, qu’il avait réellement sous les yeux Colombine, en personne.
Depuis que ses yeux se sont posés sur les poignets du mannequin, un détail l’a plongé en plein désarroi.
Il se décide presque à regret à parcourir du regard la silhouette. Les bras, les épaules, la fluidité de la robe, le ton porcelaine des jambes.., soudain des perles glacées de sueur lui couvrent le front. Sur un présentoir posé aux pieds de Colombine, cette phrase : « À la mémoire de Manon Mercier » …
Une fraction de seconde, et il la dévisage à nouveau… Et enfin, il comprend. Il comprend l’abomination qu’il a sous les yeux et qui pourtant l’a bel et bien fasciné quelques instants auparavant.
– Putain de dingue ! laisse t-il échapper, blême d’effroi et de colère mêlés.
Hors de lui, il arrache son téléphone portable de la poche de son imperméable et compose fébrilement deux numéros : celui de l’Identité Judiciaire et celui de la permanence du Parquet de Police.

* * *

À l’institut médico-légal, le corps éventré de Manon Mercier gisait sur l’une des tables d’examen.
Bien que l’autopsie fût achevée, Janssen se tenait toujours aux côtés de la jeune femme. Stylo suspendu à la verticale d’un bloc-notes, son adjoint hésitait à troubler les réflexions du Patron, se gardant bien en cela de tout commentaire, .
Colombine avait été vidée de son sang. Un mélange de paille et de mousse avait été substitué aux organes.
– En trente années de carrière je n’avais encore jamais vu cela, soupira Chartier, le médecin légiste. Au premier examen, j’aurais plutôt eu tendance à vous conseiller d’enquêter du côté du musée Grévin ou de chez Madame Tussauds. Mais à présent…
Il n’avait pas échappé à Janssen que le légiste avait pensé tout comme lui à ses musées si typiques, mais la réflexion que son interlocuteur venait de laisser flotter dans l’air glacial de la salle d’examen l’intrigua au point de ne pas hésiter à le brusquer.
– À présent, quoi ?
– Eh bien, comment dire… Nous sommes devant une technique particulière d’embaumement… Je dirais plus exactement, une naturalisation.
– Vous pourriez être un peu plus clair, Chartier ?
– Il a utilisé la technique des taxidermistes. Pour cela, il lui a fallu posséder de sérieuses connaissances en anatomie et en chimie. Mais il a dû avant tout s’armer de patience.
– Comment cela ?
– Eh bien, pour figer le corps dans la position souhaitée, je dirais qu’il a eu besoin de trois à quatre mois…
– Ce qui signifie également qu’il devait disposer d’un lieu particulièrement bien équipé, correctement ventilé et à l’abri de tout regard.
Janssen venait ainsi de prolonger le raisonnement du médecin légiste, et ses derniers mots installèrent les deux hommes dans un silence recueilli.

Le jeune Lieutenant de Police se contentait d’écouter. Seule sa tête oscillait entre le médecin, son patron et accessoirement le cadavre.
C’est Chartier qui reprit :
– On dirait que votre tueur s’est offert un beau trophée !
Le Commandant était plongé dans une réflexion abyssale. Il ne sembla pas entendre la remarque. C’est alors que le légiste ajouta un ultime commentaire.
– Vous avez remarqué ? Il s’est visiblement donné beaucoup de mal pour conserver le corps intact et pourtant…
– Pourtant ? sursauta le policier sur un ton qui surprit son interlocuteur, au point de faire tomber sur le bout de son nez les lunettes qu’il avait relevées sur son front, dès l’autopsie achevée.
– Eh bien, pourtant, il lui a sectionné les mains à hauteur du haut des poignets. Vous voyez.., elles ne tiennent aux bras que grâce à ces tiges filetées… Comme celles d’un vulgaire mannequin-vitrine.
– J’avais remarqué docteur, répondit sèchement le Commandant. Et je vous rappelle que c’est précisément dans la vitrine d’un magasin de prêt-à-porter que le tueur nous a livré le corps. Ce sont là toutes vos conclusions ?
Le policier était dans un état psychologique qui ne lui ressemblait guère. Il n’arrivait pas à garder le détachement qu’il aurait dû affecter pour mieux se concentrer, et dégager des premières constatations tout ce qui allait pouvoir être utile à son enquête. Il ne savait pas dire, ni pourquoi, ni comment, il avait développé des liens affectifs si profonds avec Manon au cours de ces six derniers mois. Mais c’était ainsi. Il n’arrivait pas à prendre le recul indispensable à l’efficacité de son enquête.
De son côté Chartier, tellement subjugué par la maîtrise technique dont avait fait preuve le tueur, n’était pas résolu à se diriger vers la paillasse où l’attendait son deuxième client.
On pouvait aisément le comprendre : l’autre dépouille n’avait vraiment rien d’excitant pour susciter un plus grand intérêt. Outre un état de décomposition avancée lié à une mort remontant à cinq bonnes journées, l’homme, égorgé dans son appartement, avait servi de repas à ses chats. Difficile de lutter dans ces conditions avec la plasticité intacte de Colombine.
Il se laissa donc aller à quelques commentaires supplémentaires.
– Eh bien, je n’aimerais pas être à votre place, Commandant ! Soit il y avait une relation très personnelle entre le meurtrier et sa victime, je dirais même une sacrée admiration, soit c’est l’œuvre d’un grand malade et, dans ce cas, cette pauvre fille est probablement la première d’une longue série. Mais, quoi qu’il en soit, c’est certain, avec les mains coupées, il a voulu nous dire quelque chose…
Janssen n’aurait voulu le reconnaître pour rien au monde, mais le médecin avait évidemment mis le doigt sur la question que même le plus débutant des inspecteurs se serait posée. Pourquoi diable le tueur lui avait-il coupé les mains, s’il n’était techniquement pas nécessaire d’utiliser une tige filetée pour les faire tenir au bout des bras ? Une signification affective pour lui ? Un message pour les enquêteurs ? De fausses mains révélant un symbole précis ? Oui, mais lequel ?
Le policier était dans une totale expectative, et celle-ci l’agaçait au plus au point.
– Je parlais de constatations médico-légales, pas de vos réflexions de psy à deux balles, s’énerva Janssen.
– Ah ! s’offusqua le légiste. Pour cela, il faudra attendre le résultat des prélèvements. Et puisque vous m’avez l’air de forte méchante humeur, je vous laisse à votre Commedia dell’arte. Après tout, vous avez sans doute raison. À chacun son travail ! conclut amèrement Chartier qui fit volte-face, tout en bousculant le jeune Lieutenant.
– Qu’est-ce que vous dites ? explosa Janssen.
– Rien ! bougonna le médecin qui s’éloignait déjà.
– Si ! insista le policier. Vous me laissez à quoi ?
– À votre Commedia dell’arte, répéta le légiste avec enphase.
Devant le regard bovin de Janssen et de son adjoint, Chartier se sentit soudain l’âme d’un professeur de théâtre.
– Vous savez.., Colombine.., Arlequin.., Pierrot… Vous n’allez tout de même pas me dire que vous ne connaissez pas…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. Janssen se précipita hors de la pièce, arrachant ses gants et faisant voler sa blouse, tout en jurant abondamment. Il les planta là, sans même se donner la peine de leur fournir la moindre explication, et comme s’il était devenu seul au monde en une fraction de seconde.

* * *

Dans la salle d’interrogatoire de la PJ, Janssen n’eut pas à batailler avec l’homme que la brigade avait arrêté à l’hôpital.
La perquisition qui venait de s’achever à son domicile et la découverte du box loué chez un garde-meuble avaient apporté les preuves de sa culpabilité. Mais s’il en savait suffisamment pour le déférer devant le juge, une chose lui tenait particulièrement à coeur. Depuis le triste soir où il avait découvert le corps de Colombine dans cette foutue vitrine, c’en était devenu une véritable obsession. Il tenait absolument à être le premier à comprendre pourquoi ce malade lui avait coupé les mains.

L’homme parlait sur le ton de la confidence. Une voix à peine audible, au débit lent mais en flots continus. Janssen en avait vu des coupables se mettre à table, et il savait que celui-là appartenait à la race de ceux qu’il ne faut pas interrompre. Et Pierre s’épanchait.
Du premier jour où il s’était assis à côté d’elle sur les bancs de l’école, il en était tombé raide dingue amoureux. D’ailleurs, il se souvenait comme s’il s’agissait d’hier de ce soir de leurs 8 ans où, sous le sourire complice de la lune qui leur avait servi de témoin, ils avaient fait le serment de se marier.
Ils avaient grandi côte à côte, fréquenté les mêmes tatamis, les mêmes clubs de piscine ; ils avaient tapé dans les mêmes balles. Il se remémorait leurs rendez-vous dans le parc de Choisy, à deux pas du lycée Claude-Monet, les après-midis qu’ils passaient à partager leurs secrets d’adolescents à la terrasse du « Péché Mignon ». Rien ne pouvait alors les séparer.
Et puis vint la période des castings.
Ils s’étaient amusés à poser pour les catalogues des grands vépécistes ; ils avaient même tourné quelques spots publicitaires. Mais tandis que les stigmates boutonneux de la puberté s’étaient invités sur son visage, ils avaient épargné sa bien-aimée. Et forcément, elle avança seule sur les podiums des défilés de mode. Et elle aimait cela.
Oui, elle aimait que les regards se tournent vers elle. Son teint de porcelaine venait y puiser la vitamine D que d’autres volaient aux rayons du soleil. Dans cette atmosphère mêlée de stress, d’excitation, de musique assourdissante et d’applaudissements frénétiques, elle était grisée, dans un état second. Et puis, il y avait aussi les séances photos dans les studios, où elle prenait les poses les plus langoureuses et aguichantes, tout entière abandonnée aux flashs qui crépitaient au rythme des « encore », « c’est bien » et des « plus ceci » ou « moins cela ». Des injonctions qu’il rêvait de pouvoir lui susurrer dans ses rêves les plus débridés.
Bien sûr, il était toujours à ses côtés, mais il supportait mal de voir tous ces visages tendus vers son héroïne. Il ne pouvait s’empêcher d’imaginer les pensées inavouées de ces hommes, et même de ces femmes, qui cherchaient à la séduire lors des défilés de mode, alors qu’elle s’exhibait souvent vêtue bien loin de la plus élémentaire décence.
Imperceptiblement, elle s’éloignait de lui, et petit à petit Colombine vampirisait Manon.
C’est le jour des résultats du bac qu’il avait compris.
En décrochant le fameux sésame exigé par ses parents, Manon pouvait se consacrer à sa carrière de mannequin.
Une nouvelle vie allait s’offrir à eux. Elle allait devenir une star, et lui, au mieux, un médecin.
Renoncer et accepter. C’était sans doute cela le prix à payer pour entrer dans le monde des adultes. Il l’avait perdue, et il devait l’accepter.

Soudain, Pierre fronça les sourcils, sa respiration devint courte, sa voix changea de tessiture et sous l’emprise d’une fureur aussi soudaine qu’incontrôlable, son visage grimaça à devenir méconnaissable.
Janssen comprit alors qu’il allait enfin savoir.
Pierre éructait, entre vociférations, hoquets et injures, il basculait dans l’hystérie.
En fait, il avait suffi d’une photo.
Dans les kiosques à journaux, dans les stations de métro, sur toutes les affiches de Paris, on ne voyait qu’elle. Elle portait une robe noire au décolleté vertigineux et d’un tissu si fluide que l’on devinait sans peine ses formes les plus intimes. Son regard séducteur était à lui seul une invitation, son sourire frivole un hymne à la perversion. Et puis.., il y avait ses mains.., ses mains qui soulevaient sa robe dans un geste si provocateur.

Janssen n’eut pas besoin de solliciter son imagination pour se représenter l’image que Pierre abominait. Elle l’avait fasciné lorsqu’il avait feuilleté le dossier que lui avait remis le père de Manon.
Cette photo, il l’avait eue sous les yeux dès le premier le jour.

Photo de Romain Slocombe

Photo de Romain Slocombe

Pascal Launay

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2 Commentaires

  1. Concernant le découpage ou non de la nouvelle, je pense que cela dépend de la nouvelle. En l’occurrence, ici, c’était un plus de la découper en trois parties. En effet, grâce à ce découpage, tu as pu amener la nouvelle là où tu le voulais en emportant les lecteurs dans ton univers. Chaque partie ouvre un univers diffèrent, ou du moins un changement de décors, de lieu ou même du temps.
    En fait, le découpage peut aussi être un outil pour le suspens.
    En tout cas, félicitations, très prenant et une bonne plume comme toujours !

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  1. Guerre et Conscience | Pascal Launay

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