Je suis le créateur d’une petite entreprise, ou un contribuable ordinaire… En somme, monsieur Toutlemonde…
Cela fait bien longtemps que je suis criblé de dettes. Mais bon, pas de surprise, c’est ce qui arrive en général lorsque l’on dépense beaucoup plus que ce que l’on gagne !
Il n’y a pas si longtemps, mes créanciers étaient éblouis par mon train de vie. Ils étaient surtout loin de se douter de ma réelle situation financière, aveuglés par les intérêts de retard qu’ils me facturaient, et convaincus qu’ils pourraient toujours se payer en cas de défaillance en revendant mes biens.
Il est vrai que je m’étais toujours débrouillé pour esquiver les dates fatidiques de mes échéanciers. Au début, c’était facile. Un bon repas chez un restaurateur étoilé, et j’amadouais mes fournisseurs pour qu’ils acceptent de repousser la date de mon paiement ; quatre places en loge au stade vélodrome – rien de plus efficace qu’un bon OM / PSG – et mon banquier augmentait le plafond de mon découvert autorisé ; un échange technique de correspondances avec des propositions d’échelonnement, et l’agent du fisc patientait quelques mois ; quelques conseils boursiers, et le proprio de mon appartement fermait les yeux sur mes retards de loyer ; de grands sourires ou des compliments à madame et ses enfants, et l’épicier du bas de mon immeuble n’osait plus me réclamer le solde mensuel de l’ardoise que j’avais chez lui.
Mais le «grand guignol» a des limites. Le temps passant, j’avais dû me montrer plus inventif : obtenir des prêts pour rembourser d’autres prêts… Croyez-moi, un vrai sport !
Et puis, j’ai fait encore plus fort : moi qui ne suis pourtant pas trop à l’aise avec les chevaux, je suis devenu un véritable expert en grande cavalerie : j’ai pu convaincre mes banquiers de ne leur rembourser que les intérêts de mes dettes, en leur disant qu’un jour je leur rendrai le tout, in fine, comme ils disent – la fin de quoi, on ne sait pas, mais en tout cas… plus tard, ça c’est sûr ! – et, figurez-vous que j’ai également réussi à trouver d’autres banquiers pour qu’ils me prêtent l’argent nécessaire pour payer des intérêts toujours plus importants. Parfois même, c’était les mêmes. Trop fort Le Pascal !
Mais hier soir, c’était différent. Lorsque je me suis couché, je savais que le shutdown – traduisez, la banqueroute, le dépôt de bilan, la faillite personnelle, pour résumer : la cata – était pour le lendemain matin. Dans ces conditions, dormir s’avérait compliqué.
Me tournant et me retournant dans mon lit, j’avais bien tenté de me raconter la blague de Samuel… Vous la connaissez ? Mais si, celle où sur les conseils de Rachel, sa femme, il réveille son voisin, David, pour lui dire qu’il ne pourrait pas le rembourser, tentant ainsi de reporter sur l’autre son angoisse… Vous comprenez ? Et bien, rien à faire, l’humour ne passait pas !
Une demi-bouteille de whisky, 3 Lexomil et un stilnox plus tard, impossible de m’endormir. Compter les moutons ? Encore et toujours compter, je n’en avais, ni l’envie, ni la force !
Au petit matin, j’avais fini tout de même par sombrer dans les bras de Morphée. Et c’est là que j’ai fait ce rêve magique :
Rrron !… Pfeufff !… Après avoir signé un bout de papier, je sors d’une salle de réunion le cigare aux lèvres, sous les ovations d’un public en liesse et mitraillé par une myriade de journalistes… Rrron !… Pfeufff !… Mon banquier vient d’imprimer spécialement pour moi des billets tout neufs, …Rrron !… Pfeufff !… Des gens se sont mis d’accord pour relever une nouvelle fois le plafond de mes dettes, … Rrron !… Pfeufff !… Mon épicier me fait un large sourire et ouvre une ardoise vierge à mon nom. Bref, tous me disent que je n’ai pas de souci à me faire : nous nous reverrons dans 3 mois pour fixer d’autres plafonds et d’autres échéances… Rrron !… Pfeufff !…
Waouh ! Je suis le maître du monde. Je vais pouvoir maintenir mon train de vie. Mieux, je vais l’augmenter !
Juste un petit problème, un détail : les flashs m’aveuglent… Argh !…
Mon cœur joue du tambourin sur mes tempes et j’ai la nausée. Mes lèvres sont sèches, ma langue me semble tellement grosse que j’ai du mal à avaler. Waouh, gratinée la gueule de bois !
Devant mon apathie, un type que je ne connais pas ouvre rageusement les rideaux de la fenêtre de ma chambre. Il me met sous les yeux un document dont je ne réussis à distinguer que l’en-tête tricolore. De grands costauds achèvent de vider mon appartement.
Bienvenue dans la vraie vie Monsieur Toutlemonde !
***
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Jeanne-Marie Hallion
/ 21 octobre 2013Waou ! ça fait frémir, mais je suis rassurée, ce n’est pas toi !!!
Bises
Maï
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BOURBIAUX Stéphane
/ 27 octobre 2013Bien joué Pascal, tu deviens le maître du suspens par ce nouveau billet!
Penses- tu l’adapter pour les Américains?
A bientôt!
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pascalaunay
/ 27 octobre 2013J’ai bien peur que nos amis d’Outre Atlantique n’apprécient guère… Mais cela doit déjà faire bien longtemps qu’ils m’ont mis sur écoute !
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