Durée de lecture : 3mn 40s
En ce début de semaine, je me disais qu’il y en avait assez de vivre dans le souvenir, de continuer à se recueillir au pied d’une stèle et de perpétuer ainsi la mémoire, mais aussi le ressentiment, après que des guerres et des exactions aient été commises au temps des années sombres et finalement peu glorieuses pour l’Humanité.
Je me disais qu’il n’était pas judicieux de culpabiliser des générations qui n’avaient rien à voir avec les atrocités perpétrées par des aînés inconnus, fussent-ils de même nationalité, et leur faire porter ainsi un fardeau qui n’était pas le leur.
Je me disais que ce devoir de mémoire ne me permettait même pas de savoir dans quel camp je me serais trouvé.
Je me disais qu’il était indécent de voir tous ces hommes politiques, feignant la compassion et ciselant des allocutions, pour s’arroger les faveurs des électeurs.
Je me disais qu’il y en avait assez de faire croire au mirage de la réconciliation lorsque l’on constate tous les jours les tensions nationalistes, pour ne pas dire les haines, qu’il existe encore sur notre vieux continent.
Je me disais que la barbarie et la folie meurtrière existaient toujours, ici et ailleurs, et que les drames des guerres précédentes n’avaient à l’évidence pas servi d’exemple.
Je me disais, à quoi bon ?
Mais vendredi soir, j’ai regardé un documentaire diffusé sur France2 …
Et depuis, je suis sonné ! Impossible d’effacer de ma mémoire les images qui ont défilé devant mes yeux. J’en ai encore la nausée.
Un récit prononcé par un comédien, d’une voix atone mais poignante, et des images … des images tournées par les services d’information ou de propagande des belligérants, en noir et blanc ou re-coloriées … des images criantes de réalité, terribles, inqualifiables. Des images comme on n’en ose pas diffuser plus de 3 minutes dans les journaux télévisés d’aujourd’hui. – Au passage, je me demande comment le CSA a pu faire inscrire en bas à droite de l’écran le pictogramme indiquant : « non recommandé aux moins de 10 ans ». 10 ans ?! –
Oh, ce n’était pas la 1ère fois que je découvrais de telles images ! Mais ce remarquable documentaire, factuel et objectif, dépoussiéré des récits héroïques habituels et des mensonges arrangeants, a provoqué en moi un puissant choc émotionnel.
Je suis pourtant d’une génération qui a longuement étudié au lycée, et dans les livres d’histoire, la 1ère et la 2è guerre mondiale. Certes, l’enseignement était édulcoré des atrocités perpétrées par les vaincus comme par les vainqueurs, mais je croyais avoir tout de même compris et retenu plus que l’essentiel. Mais entre apprendre l’histoire, et la voir dans sa réalité la plus crue, il y a une différence de taille.
Tant d’horreurs, de déluges de feu, de destructions totales de villes-bastions mais aussi de destructions gratuites de villes entières ;
Tant de fantassins lancés dans des boucheries imbéciles ;
Tant de civils jetés sur les routes, morts de faim et de froid, et souvent lâchement assassinés par l’un ou l’autre camp ;
Tant d’exécution sommaires et de lynchages, tant de personnes torturées ;
Tant de femmes violées en représailles et gisant dans les fossés, mortes, les cuisses écartées ;
Tant de déportés, torturés, gazés ; tant de corps dégagés au bulldozer à l’ouverture des camps de concentration ; tant de personnes au corps fantomatique, véritables squelettes décharnés hagards et atrocement vivants …
J’ai vu la litanie des pires atrocités que l’homme est capable de commettre.
Et puis, il y a aussi l’incompréhension à la découverte de la démesure des orgueils, des plus vils calculs politiques conduisant au sacrifice de population et de pays entiers, des erreurs aux conséquences dramatiques de chefs militaires considérés comme des héros. Et enfin, j’ai vu la poursuite d’une guerre que beaucoup ont cru achevée en août 44, puis en mai 45, mais dont l’ombre mortifère portera jusqu’aux champignons honteux de Hiroshima et Nagasaki.
La première moitié du XXe siècle, année après année, classe d’âge après classe d’âge, a dévoré tous les enfants du vieux continent, d’une partie de l’Asie et de celle du nouveau monde. Penser que, c’est sur les décombres d’un monstrueux champ de bataille que l’on a préparé l’avènement des 30 glorieuses, m’horrifie.
Alors, 70 années plus tard, on commémore les morts. On se dit « plus jamais ça !».
Et pourtant la seconde moitié du XXe siècle est de la même veine : la Corée, le Vietnam, l’Éthiopie, le Biafra, la Malaisie, le Cambodge, les insurrections et guerres anticoloniales, les guerres civiles, les coups d’état et les dictatures, les conflits israélo-arabes, les épurations ethniques, l’Angola, la Turquie et la Grèce, l’Iran, l’Irak, les guerres du Liban et du Golf, le Rwanda, l’Afghanistan, le Kosovo, la Centrafrique, la Tchétchénie, le Darfour, l’implosion de la Lybie, de la Syrie, et pour finir cette liste non exhaustive, la propagation internationale du terrorisme.
Il ne faut pas être grand clerc pour s’apercevoir que l’espèce humaine court à sa perte. Génération après génération, l’Humanité n’apprend pas de ses erreurs. Bien au contraire, l’homme invente des armes de destruction de plus en plus massive. Et pourquoi ? Parce qu’il porte en lui l’instinct du mal et du désir. Et force est de constater que les conflits perdurent sur la planète pour des raisons immuables : les idéologies, les religions et les ethnies, les territoires, le pouvoir, et … la faim, le désespoir créé par des déséquilibres économiques et sociaux abyssaux.
Aujourd’hui encore, tout comme certains peuples ignorants se sont trouvés manipulés par le passé, malgré nos capacités de communication accrues, nous vivons pour la plupart dans l’indifférence. À l’époque d’internet, beaucoup vivent aussi dans l’ignorance ou le mensonge.
Mais c’est pourtant un fait ! Tous les jours, nous pouvons constater que la guerre et la cruauté sont à nos portes, et qu’elles n’épargnent ni les gentils, ni les civils.
Non, la guerre n’est pas propre et aseptisée. Il n’en existe pas de chirurgicale. La guerre n’est pas un jeu vidéo où l’on tirerait sur des cibles et non plus sur des hommes, des femmes et des enfants. Certes, les armes sont devenues des monstres de technologie, mais voilà, la grande majorité des conflits, aujourd’hui comme hier, se gagneront sur le terrain, en combat rapproché et parfois à mains nues.
Alors, après avoir profité d’un jour férié à se reposer ou exercer quelque loisir, à quoi bon voir un pantin en mal d’électeurs déposer une gerbe au pied d’un monument aux morts, entouré d’une flopée de journalistes et d’une poignée de vétérans ?
Qu’elle peut-être la portée d’un tel reportage d’une minute trente secondes au JT de 20 heures ?
Ne serait-il pas plus judicieux de consacrer cette journée à traiter du sujet dans tous les lieux d’enseignement, et à l’aide de supports audiovisuels ? Pourquoi ne pas y faire venir les quelques témoins toujours en vie, tant qu’il en reste ? Et pour les adultes, pourquoi ne pas imposer plusieurs minutes de silence, tout en diffusant des images évocatrices, sur les lieux de travail ou dans des salles associatives ?
Et puis, j’allais oublier … La France est dans le quatuor de tête des plus grands fabricants et vendeurs d’armes. On en parle, ou bien …
Écouter Né en 17 à Leidenstadt (JJ Goldman)
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Livre d’histoire
Qui comme un arrosoir
Détruit le savoir
Brèves de comptoir ?
Alimentant l’isoloir
Plongeant dans le noir
Haut au prétoire
On nous prend pour des poires
Pour nous y croire
Sortez les mouchoirs
Ils ont tous les réservoirs
C’est mieux les bavoirs
L’émotion à voir
Spectacle rédhibitoire
De notre savoir
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xplorexpress
/ 10 mai 2015Je ne puis même pas rajouter qq chose à ce que vous dites, Pascal… chacun de vos mots résonnent tellement dans mon cœur…
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Doudou LAventurier
/ 11 mai 2015Très beau texte… Inspiré tu étais !…
Un dicton africain m’est venu à l’esprit pendant la lecture : « L’homme a la mémoire courte, il s’essaie le cul avant de chier »….
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pascalaunay
/ 17 mai 2015Il s’assaie ou il s’essuie le cul ? Je trouve que les deux pourraient convenir … sans vulgarité, aucune !
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