Gare à la Poutre !


Ganagobie, mardi à 06H45 :
Les quatre notes du carillon, qui retentissent pour la 4è fois, me rappellent que j’ai raté l’office de Vigiles. Je dois mettre les bouchées doubles, si je veux arriver au début des Laudes.

Eglise matin

L’office n’est que de vingt minutes mais déjà, le rythme de la journée est donné. Les chants grégoriens, les prières et la lecture des psaumes de l’Ancien Testament s’élèvent dans les nimbes de la petite église. Un moine se saisit de la corde polie par des années de servitude. Lentement et prenant soin d’amortir chaque mouvement du balancier, il fait tinter la cloche à quatre reprises. La communauté s’éclipse en bon ordre, tandis que le père hôtelier fait signe aux quelques retraitants de le suivre dans la chapelle aménagée en réfectoire. Le temps du recueillement et de la méditation viendra plus tard.

C’est un privilège que de pouvoir emprunter les allées bordant le cloître.
Quasiment en apnée, chacun prend soin de marcher sans troubler la quiétude de l’endroit. À croire que les semelles de nos chaussures sont des aéroglisseurs.
Il faut savoir apprécier le moment du petit-déjeuner.
C’est le seul repas de la journée qui n’est pas pris en compagnie des moines. Pas de lecture, pas un bruit. Les retraitants choisissent une boisson chaude à la cuisine, et piochent à leur guise sur la grande table de desserte du réfectoire de quoi se sustenter. Et très vite, chacun se perd dans les nuées de son propre univers.

Le matin

Je vous ai déjà confié l’état d’esprit dans lequel je suis, lorsque j’entame une retraite (cf. Billet d’Humeur 2013 : « La Question »). Mais ayant choisi ce lundi de me rendre au monastère dans la foulée d’une journée chargée au Tribunal, je n’ai aucune idée particulière en tête. À part quelques affaires et des livres choisis depuis quelques jours : rien ! Des douleurs et une extrême fatigue, mais cette fois-ci, aucun sujet, aucune réflexion précise. Il était peut-être là, mon objectif : offrir à mon cerveau un temps de repos ; c’est cela, simplement du repos…
Le cadre s’y prête. Ici, on a le choix : Les quatre murs rassurants d’une chambre dépouillée, ou un cadre sans horizon. Vous ne me croyez pas ?

Alors regardez, et montez le son !

Les offices se succèdent et me procurent les repères qui bientôt vont structurer mes pensées. Le dîner s’achève, lorsque le moine effectuant la lecture termine par une mise en garde destinée au Père Abbé d’une communauté bénédictine …

« Tu remarques la paille dans l’œil de ton frère, mais tu ne remarques pas la poutre qui est dans le tien ! »

Cette phrase me fait l’effet d’un réel coup de poing qui m’atteint en plein front, tel un direct du droit bien appuyé. Le temps d’encaisser, fourchette et couteau lévitent un instant au-dessus de mon assiette. Aucun doute, désormais ma retraite au monastère est vraiment lancée.

Cette phrase résonnera en moi tout au long de la semaine. Dieu ou l’Esprit sain m’attendaient-Ils ? Je le crois. Serait-ce plutôt ma petite voix intérieure, ma conscience, ou …? Appelez Cela comme il vous plaira : j’avais bel et bien un rendez-vous ! Et toujours est-il que je n’aurai de cesse d’explorer cet adage véridique en plongeant au plus profond de mon âme.

Vous avez sûrement en tête plusieurs dictons populaires, peut-être même, en prononcez-vous régulièrement :
« Il y a un temps pour tout », « On récolte ce que l’on sème », « Qui est lent à la colère fait preuve de bon sens », « Sagesse est mère de sûreté », « Toute peine mérite salaire », « Mieux vaut peu avec justice que de gros revenus malhonnêtes », « Trésor mal acquis ne profite jamais », « Qui aime bien châtie bien », « C’est dans le malheur que l’on reconnait ses amis », « À cœur joyeux, visage serein ou rien d’impossible ou encore bonne médecine »,… Vous en conviendrez aisément, la liste est longue.
J’étais pour ma part persuadé jusqu’alors que la maxime, qui m’avait frappée peu après mon arrivée, faisait partie du lot. Mais, s’il s’agit bien d’un héritage du passé, je ne m’attendais pas à la voir figurer dans la « Règle de Saint-Benoît ».
Dès le lendemain, je ne m’attendais pas non plus à la retrouver, par Hasard, dans les Évangiles de Matthieu et Luc. Par Toutatis ! Mais c’est bien sûr ! Il s’agissait de l’une des paraboles prononcées par Jésus dans son « Sermon sur la montagne ».

Me rappelant alors que Jésus avait annoncé qu’il était venu sur terre pour accomplir les Écritures, (l’Ancien Testament), je m’y suis immergé pensant y retrouver cet adage pour le moins dérangeant.
Ma recherche fut vaine. Certes, ici ou là des petites vérités sur le « jugement », mais point de paille ni de poutre. Force était de constater qu’elles n’apparaissaient que, placées dans la bouche de Jésus, chez Matthieu et Luc.
Ah oui, évidemment je vous l’accorde, il y a bien le fameux « Balaye devant ta porte avant de regarder chez ton voisin », mais celui-ci est presque contemporain !

Mais au fait, que croyez-vous qu’il m’ait été donné de découvrir dans la Bible ? Et plus précisément, dans les Proverbes attribués au Roi Salomon, dans l’Ecclésiaste, dans le Livre de la Sagesse, et dans l’Ecclésiastique (ou Livre de Jésus Ben Sirach) ? … Je suis certain que vous l’avez deviné : tous les adages que j’ai cités plus haut, et bien d’autres.
4.000 ans, et déjà, nos ancêtres avait tout compris !
Et parce que je suis un incorrigible optimiste oecuménique, je gage qu’il ne s’agit pas d’une exclusivité réservée à la civilisation judéo-chrétienne.

Quant à moi, si prompt à trouver la plus petite paille dans l’œil d’autrui, au 7è soir de cette retraite, et je vous devance … même s’il me reste encore une nuit, (sachant bien sûr que « La nuit porte conseil » – Proverbe grec du IVe siècle av. J-C.), ce n’est pas une poutre que j’ai trouvée dans mon œil… Non, non,… C’est une véritable charpente que je m’emploie à démolir …

Le soir

*****

Mon billet d’humeur : c’est un clin d’oeil, une brève de comptoir, une réflexion captée dans l’instant. Vous êtes désormais 443 à le lire régulièrementVous aimez ce rendez-vous hebdomadaire ? Alors aidez-moi à réussir mon challenge : « 1.000 followers en 100 jours ». Incitez vos amis à s’inscrire sur https://launayblog.com/, à cliquer sur les alertes LinkedIn ou Tweeter… Mais surtout.., ne ratez pas celui de la semaine prochaine et n’hésitez pas à voyager dans mon univers, en feuilletant de temps en temps les pages du blog. Qui sait ? Vous pourriez avoir des surprises !

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6 Commentaires

  1. Isabelle dossa

     /  18 mai 2014

    Construction … Ou illusion?
    Charpente , poutre , paille ou … Simples idées aussi éphémères qu’irréelles ?

    La sagesse millénaire pour sur !
    Merci de nous permettre cette lecture sur ton chemin de sagesse

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  2. Martine Poualion-Emery

     /  19 mai 2014

    Bravo accepter toute faiblesse ( celle la est toute petite mais faiblesse quand même ) nous permet si nous en avons le courage de nous remettre en question. C’est malheureusement difficile pour les humains que nous sommes. Bonne fin de retraite 😀

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  3. Gandilhon

     /  19 mai 2014

    Cher. Ami ´je retrouve bien l’ambiance si particulière de Ganagobie,j’y suis passé la semaine passée pour un entretien avec le Père Michel,on a évoqué notre rencontre de l’an dernier.Te souviens tu?Bien a toi ……..Jacques Gandilhon de Vie Nouvelle

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    • Oh mais bien sûr ! Comment oublier notre rencontre ?
      Alors que je prenais ce matin mon petit déjeuner, sur la longue table centrale du réfectoire, j’ai eu une pensée pour toi, … notre aparté …, et de cette façon dont nous avons eu de nous raconter tant de choses en si peu de mots.
      Toi, Jacques, sur le départ, … et qui joue cependant au Passeur Altruiste, et moi, … moi qui ne sais pas encore ce que le jour de la Sainte Trinité va me réserver …
      La prochaine fois que tu passes par Aix, descendant de Lyon ou venant d’ailleurs, appelle-moi ! La seule chose que tu risques, est que je sois absent !
      Amitiés

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  4. lamia

     /  19 mai 2014

    Hello Pascal, pour les arabes « le chameau ne voit pas sa propre bosse, il voit la bosse de son frère », cela fait trois semaines que je dois déposer dans ta boite aux lettres quelques lectures : le UN, nouvel hebdomadaire d’ERIC FOTTORINO ET CO , un hors série du Point sur l’origine des expressions !!!
    Amitiés

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  5. Si tu ne vas pas à moi, j’irai « t-a » toi ! (Lagardère)

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