Le 49.3 et les statistiques qui fâchent

Faire appel à l’article 49.3, prévu dans la Constitution de 1958, permet à un premier ministre de faire adopter un article d’un texte de loi, ou une loi toute entière, sans passer par un vote. Il engage alors la responsabilité de son gouvernement. Les députés ont 24 heures pour déposer une motion de censure. Si la majorité absolue des députés vote pour cette motion de censure, le texte ne passe pas, mais surtout, le gouvernement est renversé.

Depuis 2008, l’utilisation de ce procédé a été limitée. Un 1er Ministre peut utiliser le 49.3 autant de fois qu’il le souhaite mais sur un seul texte de loi par législature. C’est donc ce qu’a fait Élisabeth Borne à 11 reprises sur la réforme des retraites, comme le lui permet notre Constitution.

Ce préalable posé, intéressons-nous aux statistiques.

1/ Depuis 1958, l’article 49 alinéa 3 a été déclenché à 100 reprises : 33 fois par un 1er Ministre de droite, 56 fois par un chef de gouvernement de gauche ;

2/ Celui qui a le plus utilisé cette option est un 1er Ministre de gauche : Michel Rocard. Il l’a brandi pas moins de 28 fois, avant 2008, et donc sur plusieurs projets de loi cruciaux pour la Nation. Aucun de ses deux gouvernements n’en a pas autant été renversé. Personne à l’époque dans la rue pour s’indigner de l’utilisation systématique du 49.3 . À sa décharge, il est resté un peu plus de 3 ans 1er Ministre de François Mitterrand. Élisabeth Borne n’a pas la même ancienneté.

J’ai cherché ce soir une explication à la chose.

Je ne prétends pas avoir la science infuse, d’autant qu’il doit exister bien plus d’une explication. Mais plusieurs m’apparaissent comme certaines. Le sujet de la réforme est évidemment une première explication. La retraite touche un bien grand nombre de personnes, et l’on a déjà vu d’importants mouvements à ce propos, tel celui de 1995. Mais pas que … La gauche, pourtant en perte de vitesse à la sortie des urnes, et les organisations syndicales, dont le nombre d’adhérents s’effritent d’année en année, gardent tout de même une capacité bien supérieure au centre et à la droite de mobiliser leurs troupes. Mais pas que … La culture de la manifestation a toujours été plutôt du côté de ceux qui battent régulièrement le pavé ces temps-ci. Mais pas que …

Alors, quoi d’autre ? Et bien peut-être l’une des conséquences née d’un Président mal élu, une sorte de choix par défaut avec des électeurs ne voulant pas de l’autre candidate qui leur était proposée, et surtout, oh oui surtout, avec un taux d’abstention hallucinant.

Au final, une population qui ne se reconnait pas dans ses institutions, à travers des « représentants » tout aussi mal élus que le Président. Et le grand paradoxe dans tout cela, c’est qu’il s’agit de la même population qui est allée votée ou qui n’y est pas allée ! Allez comprendre …