Léa porte un sac qui semble bien trop lourd pour elle, mais elle le plaque tant sur sa poitrine, qu’aucun adulte ne songerait à la délester de son fardeau.
La plage est déserte et l’on a connu des jours d’avril bien plus clément que cette semaine de juin. Qu’à cela ne tienne ! Sa grand-mère ouvre son fauteuil pliant, et enfin, ils s’installent.
Toute excitée, Léa entreprend de dénouer le lacet qui verrouille l’ouverture de son sac, mais il s’agit d’un nœud qu’elle ne connaît pas. Il lui résiste. L’impatience la gagne. Heureusement, son grand-père vient opportunément à son aide.
Porté par la brise, un éclat de rire me parvient aux oreilles au moment où un bouquet multicolore de boules en plastique s’échappe du précieux sac.
Comme pour s’échauffer, Léa court ici et là, non sans avoir testé toute sorte de lancements peu orthodoxes. Amusé, il regarde sa petite fille s’ébattre, guettant le moment où elle devra reprendre quelque peu son souffle. C’est ainsi que je devine l’émergence de quelques consignes, en voyant les boules s’aligner plus sagement.
Léa écoute très attentivement son grand-père. On le voit tracer une ligne sur le sable. Il lui montre le cochonnet, puis il l’associe à une boule. Bref, on devine qu’il lui apprend les incontournables du jeu méridional.
Après qu’elle ait fait un grand signe de la tête, le vieil homme lance le cochonnet puis se concentre avant de lancer sa boule. Le geste est souple et appliqué. Il semble satisfait du résultat. C’est donc au tour de la petite fille qui, dans un geste ample et généreux, manque de décoiffer sa grand-mère. Un nouvel éclat de rires fait s’envoler une mouette jusqu’ici peu farouche. Son grand-père mime à nouveau ce qui semble être le geste parfait, et la partie se poursuit. Vaillante et pleine de confiance en elle, Léa joue et rejoue encore, si bien que les parties s’enchaînent.
Je suis ébahi devant la capacité de concentration de cette toute petite fille. De points en points, elle s’améliore. Tout en gardant son enthousiasme, elle progresse avec une rapidité étonnante. Je ne peux l’entendre, mais ses petits sauts de cabri n’offrent aucun doute quant à son état d’esprit.
Tout à coup, la partie est interrompue. Les joueurs tournent autour des boules. L’homme aux cheveux blancs est devenu soudainement dubitatif. D’un geste, il fait signe à Léa de ne rien toucher et se dirige vers sa compagne. Elle lui tend un objet que je n’arrive pas à distinguer, et je le vois revenir s’accroupir devant le jeu ainsi suspendu. À moins d’un mètre de lui, Léa imite en tout point la posture de son grand-père.
Les deux tee-shirts vermillon forment deux points de couleur vive suspendus entre sable et grisaille. Pendant un instant mon esprit s’évade, happé par ce tableau éphémère et saisissant de beauté.
Enfin, je reprends mes esprits et je finis par comprendre. On mesure afin de savoir qui remporte le point. Devant ce suspens insoutenable, je retiens mon souffle.
L’homme se relève et à son invitation, sa compagne les rejoint. Léa n’a toujours pas bougé. C’est alors que je le vois prendre la pose à ses côtés. Sa Mamy ajuste le Smartphone et a tout juste le temps d’immortaliser la scène, avant que le petit bout n’explose de joie !
Léa remporte son premier point ? C’est une égalité ? … Peu me chaut ! Je sais que cette scène de vie, à première vue très banale, sera le sujet de mon prochain billet d’humeur. Il s’y trouve tellement d’amour… Et puis, et puis elle porte en elle tant de valeurs qui donne foi en l’avenir de l’humanité que, par les temps qui courent, c’eut été un crime de la censurer.
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L’inspiration de Didier Regard
Elles sont là, sorties du sac
Ces petites planètes en vrac
Elles font parties du bivouac
Elles roulent prêts du ressac
Elles sont autour d’un petit soleil
D’un nom qui émerveille
C’est pourquoi, je tends l’oreille
Et pour ça, j’ai pas mon pareil
Toi, petite Léa, tu crées ton système
Architecte d’un monde que tu aimes
Tu ouvres un nouveau poème
Orné de tant de diadèmes
Un Démiurge de petite taille
Qui roule déjà sur ses rails
Qui ajuste les moindres détails
Comme si c’était un travail
Tout autour de ton astre
Tu as refait le cadastre
Pour un parfait périastre
Où il n’existe nul désastre
Et tu ris sous le soleil absent
Ce jeu est épatant
C’est ton nouveau passe-temps
Du haut de tes quatre ans.
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Lise Delabre
/ 20 juin 2016merci pour ce joli moment de lecture.
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