Conscience et Société


Durée de lecture : 3mn 17s

Cela fait maintenant bien longtemps que j’ai eu la chance de passer mon baccalauréat. J’écris «chance », mais à l’époque je devais être mort de trouille.
À ma grande surprise, alors que je suivais la filière scientifique, c’est en philosophie que j’avais décroché ma meilleure note.
Encore aujourd’hui, j’ai plaisir à découvrir les sujets proposés aux lycéens. Sans surprise, l’art, la morale, la conscience, le bonheur et la liberté, et même la politique (dans l’acceptation la plus noble du terme) sont toujours du rendez-vous annuel. C’est cependant pour moi l’occasion de me laisser interpeller sur des questions, si hors du temps, et pourtant tellement d’actualité.
Que de sujets inspirants !
« Une œuvre d’art a-t-elle toujours un sens ? », « L’artiste donne-t-il quelque chose à comprendre ? »,
« La politique échappe-t-elle à une exigence de vérité ? »,
« Suis-je ce que mon passé a fait de moi » …
Pas une de ces questions ne me laisse indifférent. Oh, soyons honnêtes ! Je ne sais pas si je serais capable d’en faire des dissertations au contenu honorable, mais elles évoquent en moi des idées qui tendent à se confronter avec force.

D’ailleurs, je me souviens de vifs échanges entre amis, autour de la signification d’une œuvre d’art et des distorsions entres intentions et compréhensions. Combien ai-je entendu de jugements savants et péremptoires, interprétant différemment le cheminement de l’artiste ou le sens de son oeuvre !
J’imagine aussi sans peine les oppositions quant à l’intransigeance face au mensonge et au caractère inaliénable de la vérité. Je me délecte déjà des conversations houleuses dans certains dîners où, à l’approche du dessert, lorsque l’on ne sait plus quoi se dire, l’un des convives lance une thèse, antithèse et synthèse, traitant de « politique et vérité », avant de conclure à l’utilité d’un mensonge justifié par l’intérêt général ou la sécurité de l’État. « Politique et vérité », un sujet en or pour relancer une soirée triste à désespérer ou pour fusiller définitivement, au grand dam de la maîtresse de maison, une entente cordiale factice !
J’entrevois déjà les diatribes autour de l’impunité des hommes politiques qui manient le verbe à leur guise, jusqu’à la justification de la désaffection des isoloirs des peuples vivant en démocratie.
Ah, la démocratie ! Quel superbe paradoxe ! L’occasion de retrouver cette année Spinoza, qui s’interrogeait déjà sur les limites de la démocratie : ce régime politique qui soumet l’individu à la majorité, et qui a la tentation, dans des accents de remords, d’individualiser les lois, jusqu’à légiférer pour une minorité soudain stigmatisée et qui, parfois, n’a majoritairement rien demandé.
Également cette année, j’ai découvert ce texte de Cicéron traitant de la prédiction des choses, de la Raison, de la compréhension des lois naturelles ou des lois de causalité… Et cette question sous-jacente à propos de l’existence du hasard et de Dieu.
Un texte à vous donner envie de relire des classiques malheureusement approchés pour la première fois, tels des patineurs artistiques qui exécutent des figures imposées, avant de pouvoir voler à leur gré sur la glace.

Mais parmi cette avalanche de sujets, important pour l’avenir de l’humanité et si contemporain, voilà celui qui a particulièrement retenu mon attention : « La conscience de l’individu n’est-elle que le reflet de la société à laquelle il appartient ? »

Notre façon de nous comporter est évidemment liée à l’organisation sociale dans laquelle nous vivons, à un moment donné, et dans un lieu précis. On ne pense pas de la même façon, que l’on soit né dans l’Antiquité, au Moyen âge ou au XXIè siècle, « sur les trottoirs de Manille, de Paris ou d’Alger… » (« Être né quelque part » Maxime Le Forestier).
Soit ! Mais est-il vraiment possible de couper les liens qui nous unissent à une société dont les règles poussent inexorablement vers des consensus ?
Depuis que l’homme est apparu sur terre, il tend à se regrouper ; tout d’abord en hordes, puis en société. Et parce qu’il faut bien « vivre ensemble », toutes les organisations tendent à créer des dispositifs visant à domestiquer les récalcitrants et à calmer leur agressivité. Tout le système concourt à former et à formater la conscience des individus. Dans cet étau, pas si aisé de penser et d’agir différemment du déterminisme imposé par cette société tentaculaire qui soumet notre conscience et tente de régir nos moindres actes ?
Dans ces conditions, jusqu’où restons-nous capables de réfléchir par nous-mêmes, en toute indépendance et autonomie, résistant ainsi à la pression d’une société qui induit notre comportement, travaillant notre conscience, dans un inlassable corps à corps ?

La société est-elle si forte qu’elle abrase suffisamment la conscience de soi pour in fine prendre le pas sur l’exception individuelle ? Laisse t-elle encore de la place pour l’indignation et la désobéissance ?
Vous pourriez, j’en suis certain, me répondre « oui », et me citer de nombreux exemples.
La montée du terrorisme avec ces exemples d’adhésion de gens motivés par la défense de causes dont ils n’appréhendent pas forcément la teneur, mais qui leur semblent offrir des modèles sociaux différents, en est un. Seulement voilà, peut-on dans ce cas précis parler de conscience et de raison ?

Pour ma part, je me jette sans réserve dans les bras de Kant : « Si les hommes pensent différemment en des lieux et des époques différents, c’est surtout parce qu’ils restent enfermés dans leurs préjugés culturels et refusent de suivre la raison ; ce faisant, ils agissent sans conscience ».
Et le philosophe de proposer une autoroute de la conscience à trois voies, fort séduisante :
«Penser par soi-même ;  penser en se mettant à la place d’autrui ; penser toujours en accord avec soi-même. De telle sorte que ce soit la société qui soit le reflet de la conscience des individus, plutôt que l’inverse ».

Voili, voilà … Mais en même temps, si je pourrais envisager un petit bond en arrière pour retrouver mes 18 ans, je vais être très clair : pas question de repasser le Bac !

*****  

Nostalgie … reviens       
Pour que je prenne le train
D’une vie pour demain

J’ai cette conscience
Sans ramener ma science  
De mon absence       

Dans mon essence
Là, dans mes connaissances
Pour trouver un sens

Sans prêchi-prêcha
Mais pour sortir du coma
Divin, me revoilà !

Découvrez toutes les illustrations poétiques de Didier Regard

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2 Commentaires

  1. voir hommes et destins de Stefan Zweig… le style d’écriture a un peu vieilli je trouve mais certainement pas le fond.

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  2. Grand merci pour ce conseil 🙂

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