Une question fort dérangeante


On l’appelle « technicienne de surface », lorsqu’elle travaille au sein d’une société de nettoyage industriel. Et on l’appelle aussi « bonne ou femme de ménage », ou plus pudiquement, « la dame qui donne un coup de à la maison », lorsqu’elle fait les courses ou veille à la propreté de l’intérieur des particuliers.

Elle a toujours alterné ces deux métiers dans le but de conserver une activité suffisante pour vivre non pas confortablement, mais à coup sûr, dignement. Ses journées ont toujours commencé vers les 5 heures du matin. Concernant ses horaires, c’était à peu près la seule chose dont elle avait toujours pu être sûr …
Elle fait partie des gens qui ont cru au « travaillez plus et vous gagnerez plus ! » ; elle a aussi cru aux heures supplémentaires défiscalisées. Mais à 58 ans, lorsqu’elle a reçu pour la première fois un avis d’imposition, elle a compris que certains faisaient des « calculs budgétaires souvent déficitaires », alors que son portefeuille ne savait faire que des additions et des soustractions. Et des soustractions, il y en avait eu soudain beaucoup, alors qu’au rayon des additions, seules les soucis de santé s’étaient accumulés.

Depuis peu, elle a fait valoir ses droits à la retraite, mais elle travaille toujours. Oh ! Ce n’est pas parce qu’elle en a envie. Non ! C’est parce qu’elle en a besoin. Financièrement besoin.
Mais depuis qu’elle est à la retraite, son portefeuille s’est étranglé. Alors, pour la première fois de sa vie, à 63 ans, elle hésite devant la tentation du travail dissimulé. Dame ! Non seulement continuer à travailler n’améliore pas ses points de retraite, mais elle a le privilège de cotiser à perte. Et oui, à la CAF et aux autres organismes, on lui avait bien fait comprendre qu’elle était une privilégiée.

Mais pourquoi a-t-elle soudain besoin d’une aide financière ?
Eh bien, si elle continue à travailler, c’est aussi pour s’échapper de chez elle. Vous comprenez, l’ambiance y est lourde. Très lourde…
Chez elle, il y a des paroles et des mains qui volent. Elles volent au propre comme au figuré. Les paroles se montrent aussi lourdes et tranchantes que les mains sont lestes. Et puis, ces dernières volent également dans son portefeuille.
Oh, elle a bien toujours une explication toute prête, au cas où quelqu’un se risquerait à poser une question. Mais depuis quelques temps, le flot des larmes, et certains bleus, deviennent embarrassants.
Elle a bien entendu ce nouveau slogan, « libérez la parole des femmes ! », mais après, que va-t-elle devenir ?
Alors oui, elle aurait besoin d’une aide au logement pour tirer sa révérence.
Elle a bien tenté de la tirer pour de vrai, mais même cela, elle n’y est pas arrivée. À croire vraiment qu’il a raison et qu’elle n’est plus bonne à rien.
Et puis vous comprenez, pour les Affaires Sociales, son cas n’est pas une priorité.

Alors, même si nous nous sommes bien rendus compte, lors de nos timides tentatives, (peut-être trop timides), qu’il n’est pas possible d’aider quelqu’un qui ne le souhaite pas, nous nous attachons à la soutenir sans trop en avoir l’air. Est-ce que ce sera suffisant ? C’est une question qui m’a vrillé le cerveau toute la semaine.

 

(*) En savoir plus sur les violences verbales ou physiques faites aux femmes : Cliquez ici

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Et toujours, l’inspiration du poète …

L’ampoule grésille
Obsolescence programmée
Comme sa vie de famille
Qu’elle tente d’aimer

L’aspirateur glisse
Pour rendre le sol lisse

Aspirations des déchets de vie
Sur le linoléum
C’est son pauvre décorum
De sa survie à l’infini

Le fer à « repenser » glisse
Sur la chemise qui plisse

Là, sous les leds
Elle est loin d’être laide
Elle ne veut pas d’aide
Ce n’est qu’un intermède

Les balais de sa vie glissent
Au fond de l’office

C’est sa peau qui mesure le pH
L’acidité creuse ses traits
Dans des salles comme des péages
Avec des glaces où elle se rencontrait

Le chiffon blanc de la paix glisse
Sur des bibelots factices

Pourtant, elle ne se ménage
Rêvant à de belles plages
Où elle serait heureuse en ménage
Et plus femme de ménage

Découvrez les poèmes de Didier Regard et aussi ses tercets

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1 commentaire

  1. oui, c’est difficile de trouver le bon curseur entre ingérence et aide. Même quand on connait bien les personnes, préserver leur dignité et leur fierté tout en les aidant discrètement, ce n’est pas toujours simple.

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