Lorsqu’elle s’était assise à la terrasse du café qu’il est de bon ton de fréquenter sur ce petit port du sud de la France, les têtes s’étaient tournées comme si ses bijoux possédaient la même capacité d’attraction que celle d’un formidable aimant. Bracelets, bagues et collier, l’ensemble brillait de 1.000 feux au soleil de la méditerranée.
Mais à sa plus grande fierté, c’était plutôt son look qui attirait les regards…
Sa coiffure d’un noir ébène était à elle-seule une œuvre d’art, une sculpture, un monument ! Une pyramide inversée, qui dégageait un cou bronzé jusqu’à la racine des cheveux.
Son top découvrait largement un dos qui, à l’image de son visage, avait déjà longuement tutoyé un soleil peu farouche. Lisse et pommadé à l’excès, il faisait immédiatement penser au talent de certains embaumeurs chevronnés.
Un rouge à lèvres de prix dessinait remarquablement sa bouche, jusqu’à faire oublier sa proéminence nasale et la fine ligne crayonnée de ses sourcils.
Elle commanda un verre de Bandol rosé. Le geste à l’attention du serveur, dont l’expression neutre laissait supposer qu’elle était une habituée des lieux, mit en évidence des mains manucurées et des ongles vermillon parfaitement raccord avec un sourire crispé qui peinait à s’étirer… Mais pas que … Des tâches, identiques à celles apparaissant dans le dos, trahissaient perfidement, moins un abus d’exposition, que le nombre des années.
L’illusion d’une vingtaine d’années gagnées sur le temps passé aurait presque pu fourvoyer des yeux distraits. Mais une fois l’effet hypnotique envolé, une réalité décidément têtue triomphait avec un cynisme tristounet.
À la table voisine, quatre jeunes femmes indifférentes au reste du monde en étaient encore aux cafés-crème et autres noisettes. Au naturel, et cheveux flottant légèrement au vent, elles n’avaient pas conscience de l’effronterie de leurs 20 ans. En toute innocence, elles faisaient souffler sur cette terrasse un vent de fraîcheur printanière.
Au-delà de la triste symbolique que j’avais sous les yeux, je ressentis alors un curieux sentiment. La scène en était gênante et presque cruelle, tant elles éclaboussaient de leur jeunesse une voisine qui, à présent, leur tournait sciemment le dos.
Oh, loin de moi toute velléité de jugement !
Même si nous connaissons tous l’issue du grand chemin de la vie, chacun fait ce qu’il peut pour le parcourir et l’appréhender à sa façon. Quoi de plus naturel ! Et parce qu’il vaut mieux en sourire, je ne peux que me souvenir avec tendresse de ce sketch de Florence Foresti, où il me semble qu’une fille, voyant sa mère s’illusionner en appliquant une crème antirides destinée à gommer les affres des années, conclut abruptement d’une réflexion du genre : « Crème ou pas crème, mais t’es vieille » !
*****
Et toujours, l’inspiration de Didier Regard
Là, sur la terrasse
Je me prélasse
Attendant que le temps passe
Avec le temps des dépens
Pour rester dans le vivant
Et des bras qu’il me tend
Soudain, dans mon siège
Je vois un sortilège
Pour déséquilibrer mon spicilège
Les morts sont vivants !!!
Même embaumés, avec leurs châtiments
D’un sarcophage béant
Ils sortent la tête
Avec l’architecture désuète
D’une pyramide qui se la pète … LISEZ LA SUITE
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xplorexpress
/ 3 mai 2017La vie est très mal faite… du moins de mon point de vue! Pourquoi ne naît-on pas vieux… ce qui ferait que l’on passe une période de temps à apprendre, à se régénérer… donc tout ce temps de déchéance physique se passerait au berceau puis… au fur et à mesure que le temps passe, on rajeunit et acquiert expérience et savoir, force et santé. Puis, après moultes années, nous sommes enfin hors du cocon familial et on travaille… mais on ne vieillit pas car on rajeunit jusqu’à un certain point… donc on est productif beaucoup plus longtemps et on peut profiter de la vie. Cela me débine quand je vois des photos anciennes de jeunes gens heureux qui maintenant sont très vieux, impotents ou encore dcd depuis belle lurette… je trouve ça tristounet. Oui, je sais… vous allez me dire que c’est normal, que c’est la vie… mais dans ma tête et dans mon cœur, il n’empêche que je trouve ça idiot.
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pascalaunay
/ 4 mai 2017Oh mais dites-moi … Ne seriez-vous pas une admiratrice de Benjamin Button ?
À vous lire, je ne peux m’empêcher de penser à cette citation : « Ah si jeunesse savait, si vieillesse pouvait » …
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xplorexpress
/ 22 mai 2017Looool… une admiratrice serait un bien grand mot et il faut dire que je pensais (et écrivais) ainsi depuis très longtemps, bien avant de faire la connaissance de Benjamin Button. Il me semble que de la façon dont tout cela est fait, c’est totalement illogique. De toute façon, je trouve illogique de vieillir en vieillesse, en décrépitude, en maladies… c’est effrayant de perdre la mémoire, de mourir à la vie sans être mort… de devenir, bien souvent, un mort-vivant. Cette pensée me frigorifie à l’os. Toutes ces maladies… mais oserais-je entrer dans la description de la cause de ces maladies sur votre page? Ce serait sans doute risqué… mais n’empêche que cela me fait peine à voir 😦
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pascalaunay
/ 23 mai 2017Si vous n’y êtes pas déjà allé faire un tour, jetez donc un oeil un de ces jours sur http://www.missionguerison.fr . Avec quelques amis, nous tentons d’aider les souffrants (et leurs accompagnants) atteints de maladies neurologiques déclenchées au cours d’une vie. Bien que certaines soient annoncées comme irréversibles et avec une fin dramatique, idées d’ailleurs puissamment relayées sur internet, il y a matière à garder espoir.
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