Errare humanum est, perseverare diabolicum
« L’erreur est humaine, l’entêtement [dans son erreur] est diabolique ».
Confucius, Ménandre, Sénèque, Tite Live, Cicéron, Saint-Augustin, … Nombreux sont les Anciens à nous avoir prévenus en tordant cette maxime dans tous les sens, en latin, en grec et même en mandarin !
Voilà certainement pourquoi les experts de toutes les disciplines n’ont eu de cesse, après avoir emmagasiné une somme de savoir hallucinante, de trouver des théorèmes, des lois, des axiomes, des formules scientifiques, afin d’asseoir définitivement leur credo.
Oui mais voilà ! Il y avait toujours un collègue pour démontrer le contraire, ou repousser un peu plus loin encore cette vérité absolue dont tant sont assoiffés.
Las de la contradiction, les experts des temps modernes ont trouvé une solution pour annihiler les remises en question permanente : ils s’appuient dorénavant sur des machines toujours plus, performantes, sensibles, sophistiquées, précises, … Enfin, toujours plusss mieux !
Ils peuvent ainsi en toute quiétude, valider, affirmer, et même prévoir. D’ailleurs, la liste des domaines dans lesquels ils peuvent désormais, telle une pythie, voir l’avenir est longue comme … comme … longue à l’infini.
Aujourd’hui, le propre de l’expert est donc qu’il ne peut plus se tromper… Ou alors, … ou alors, il aura été induit en erreur du fait d’un dysfonctionnement impromptu de la machine. Vous noterez bien qu’il n’est en rien responsable et que l’erreur ne vient pas de lui.
Je suis certain que le bouleversement philosophique opéré par l’ère de la technologie ne vous a pas échappé. La maxime sur laquelle s’appuie ce billet d’humeur semblait prétendre que la nature humaine n’étant pas parfaite. Jusqu’ici, il allait de soi que l’Homme commettait des erreurs, et qu’elles représentaient l’occasion pour Lui de s’améliorer, au risque, s’Il ne les saisissait pas, de tomber du côté obscur de la force.
Et bien tout ceci est terminé ! Ce n’est plus l’Homme qui doit s’améliorer, mais les outils qu’Il utilise. Et de fait, n’ayant plus besoin de s’améliorer, l’Homme est par le fait devenu infaillible. Vous comprenez le raisonnement ? … Vous ne me croyez pas ? … Vous pensez que je délire ? … Attendez que je réfléchisse …
Tiens, au hasard : les experts en météorologie ! Ce sont mes préférés :
Ils ont à leur disposition la plus performante des technologies. Des sondes ultra-perfectionnées, des satellites, des stations-météo hyper-équipées de supercalculateurs et d’ordinateurs, des ingénieurs qui font tourner des modèles informatiques prévisionnels qui vomissent des tonnes de relevés de chiffres, toute une artillerie lourde qui permet aux experts de formuler des prévisions d’une précision remarquable. Et puis, le fin du fin, la crème de la crème en matière prédictive : les experts météorologistes ont inventé un concept extra : l’indice de confiance. Ah, l’indice de confiance… le truc qui vous explique qu’ils savent ce qui va arriver à coup sûr, moyennement sûr, ou pas tout à fait sûr. La certitude de l’incertitude … Ce n’est pas magnifique ? … J’en baille d’admiration !
Et bien, cette semaine, ces rois de la Mecque de l’expertise ont une nouvelle fois prouvé qu’ils avaient gagné leurs galons d’infaillibilité : alors que le Zouave du pont de l’Alma avait les chevilles dans l’eau, vous avez certainement entendu le porte-parole du Ministère de l’Environnement qui soutenait mordicus que la Seine connaîtrait à Paris un pic de crue de 5,30 à 5,90 mètres tout au plus. Dame ! Il pouvait être serein, car les rapports des experts de la modélisation étaient formels.
Patatras ! Vendredi, le fleuve est proche d’atteindre les 6 mètres de hauteur au point de référence. C’est la panique. Vendredi midi, la prévision est révisée. La fourchette estimée devient 6,30 – 6,50 mètres.
Stupeur ! Une erreur aurait-elle été commise ?
Les experts, sommés de s’expliquer, réfléchissent quelques heures … « Mais c’est bien sûr ! », clament-ils d’une seule voix. « Les sondes se sont trompées ! » Il s’agirait d’une histoire de choc thermique, de courant ou de salissures. Bref, les sondes se sont trompées, (notez bien les sondes, et non les experts !).
Mais alors, s’empressent de s’interroger quelques fauteurs de trouble tapis dans l’ombre et toujours prêts à discréditer leur prochain, comment ces doctes experts ont-ils pu donner, en à peine 4 heures, de nouvelles estimations ? Auraient-ils de facto participé à l’erreur ?… Bien sûr que non, rappelez-vous … Le Parfait ! Oui, l’Homme Nouveau, pardi ! C’est lui qui a fourni la précieuse information … Et en l’occurrence, celui chargé derechef de mesurer la hauteur de l’eau, l’œil rivé sur une échelle, et qui a nourri le programme de modélisation informatique. Fantastique ! Elle est pas prodigieuse ma démonstration ? Nul doute, CQFD !
Je vous l’avais bien dit que l’Homme était devenu parfait !
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L’inspiration de Didier Regard
Fantasme de l’omniscience
Qui limite mon essence
Et qui remplit la panse
De ma déshérence
Modèle Pic de La Mirandole
Plus besoin de boussole
Droit sur les guiboles
De la machine, mon idole
Il y a plus fort que moi
J’attendais cela depuis des mois
Plus de responsabilité et d’émoi
« J’vous jure, c’est pas moi »
Errare machina est
Je peux enfin faire la sieste
Sur ma vie indigeste
Je suis fier d’être modeste !!!!
« Bah, j’y suis pour rien !!! »
Même si la notion d’infini me tient
La Machine est le chien…
D’aveugle au bout de la laisse du Rien
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