Si j’avais 30 mn de vie en plus, qu’en ferais-je ? Et s’il s’agissait, d’un jour, d’une semaine, d’un mois, et même d’une année, qu’en ferais-je ?
Quelle serait ma réaction, si je connaissais la date et l’heure du point final ?
Serais-je pris de panique ? Resterais-je pétrifié, ou au contraire, m’agiterais-je dans tous les sens, tenaillé par l’angoisse de ne pas réaliser ce à quoi je tenais le plus à faire ou même à dire ?
Ce terme connu et si souvent redouté, me plongerait-il dans un état de réflexion et de conscience profondes ? Aurais-je la sagesse de regarder en arrière et de solder les comptes ? Ou aurais-je encore la capacité de regarder droit devant, et de dresser la litanie de mes envies en une sorte de check-list dont chaque point serait à réaliser dans un ordre, précis ou aléatoire ?
Questions auxquelles il pourrait être aisé pour certains, voire même intellectuellement jouissif, de répondre dans le cadre d’un exercice philosophique. Mais en situation réelle, qui peut dire sans coup férir quel maçon il sera au pied du mur ?
Et si j’avais 30mn de plus à vivre … Très honnêtement, je ne sais pas quelle serait mon comportement. Tourné vers le passé, tendu vers l’avenir … Ne penser qu’à jouir de la vie dans l’intervalle supplémentaire qui me serait accordé, ou tenter d’expier mes fautes supposées ? Tétanisé par la peur de la mort, par la peur du châtiment, ou dans l’espoir d’une autre vie dans un autre monde ?
À bien y réfléchir, je crois qu’il m’est plus facile de vivre dans l’ignorance du jour et de l’heure où une main viendra stopper le mouvement du balancier de mon horloge. Oui, l’insouciance peut avoir du bon !
30 mn, 1 jour, 1 semaine, 1 année … peu importe ! Connaître le terme s’assimile pour moi à l’instauration d’un compte à rebours digne des plus atroces tortures psychologiques. Et finalement, vu sous cet angle, le temps accordé en plus ne serait-il pas du temps en trop ?
*****
Et pour illustrer ce billet d’humeur, le poème de Didier Regard :
Si tu avais 30’ de vie en plus, qu’en fais-tu ?
Si tu as 30’ de vie en plus, t’en fais quoi ?
Tu poursuis le bon aloi
Tu ôtes tes oripeaux qui sont sur toi ?
Tu choisis une autre voie ?
Il te reste Toi
Mais c’est qui Toi ?
Ben c’est moi !
Mais t’es qui toi ?
Bah, je sais pas…
Mais j’ai marqué mes pas
D’une semelle qui dans ma vie traça
Ce que j’ai pensé être mon aura
Bah, tu vois
Ton vide est là
Parce que tu ne donnes pas le La
Et que pour n’être que le seul ici-bas
Sans famille, amis et cancrelats
Seul, tu subiras
Dans ton ultime sommeil
Avec 30’ sans éveil
Tu as écarté une treille
Celle où tu ne danseras pas
Sur un rythme de salsa
Qui transcendera ton trépas
Découvrez les poèmes de Didier Regard et aussi ses tercets
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Alain S
/ 25 novembre 2018« Le dernier repas » de Jacques Brel : tout est dit, particulièrement dans la dernière strophe
A mon dernier repas
Je veux voir mes frères
Et mes chiens et mes chats
Et le bord de la mer
A mon dernier repas
Je veux voir mes voisins
Et puis quelques Chinois
En guise de cousins
Et je veux qu’on y boive
En plus du vin de messe
De ce vin si joli
Qu’on buvait en Arbois
Je veux qu’on y dévore
Après quelques soutanes
Une poule faisane
Venue du Périgord
Puis je veux qu’on m’emmène
En haut de ma colline
Voir les arbres dormir
En refermant leurs bras
Et puis je veux encore
Lancer des pierres au ciel
En criant Dieu est mort
Une dernière fois
A mon dernier repas
Je veux voir mon âne
Mes poules et mes oies
Mes vaches et mes femmes
A mon dernier repas
Je veux voir ces drôlesses
Dont je fus maître et roi
Ou qui furent mes maîtresses
Quand j’aurai dans la panse
De quoi noyer la terre
Je briserai mon verre
Pour faire le silence
Et chanterai à tue-tête
A la mort qui s’avance
Les paillardes romances
Qui font peur aux nonnettes
Puis je veux qu’on m’emmène
En haut de ma colline
Voir le soir qui chemine
Lentement vers la plaine
Et là debout encore
J’insulterai les bourgeois
Sans crainte et sans remords
Une dernière fois
Après mon dernier repas
Je veux que l’on s’en aille
Qu’on finisse ripaille
Ailleurs que sous mon toit
Après mon dernier repas
Je veux que l’on m’installe
Assis seul comme un roi
Accueillant ses vestales
Dans ma pipe je brûlerai
Mes souvenirs d’enfance
Mes rêves inachevés
Mes restes d’espérance
Et je ne garderai
Pour habiller mon âme
Que l’idée d’un rosier
Et qu’un prénom de femme
Puis je regarderai
Le haut de ma colline
Qui danse qui se devine
Qui finit par sombrer
Et dans l’odeur des fleurs
Qui bientôt s’éteindra
Je sais que j’aurai peur
Une dernière fois
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