Quai de Jemmapes à Paris, mercredi

Nul besoin de nous être promis, ni même d’avoir chanté, « Rendez-vous dans 10 ans », pour nous retrouver.
Un noyau, dont nous n’avions pour la plupart pas conscience à l’époque, se réforme sous nos yeux.
Il est plus important encore que je ne l’aurais imaginé.
Au-delà des excusés trahis par le quotidien, et qui auraient significativement grossi les rangs, présents comme absents, ce ne sont pas toujours ceux à qui je pouvais m’attendre. L’empreinte du temps est délicieusement sélective,… ou pas.
Nous sommes une trentaine d’anciens collègues au fond d’un restaurant branché du bord du canal Saint-Martin.
Le temps s’est écoulé sans que nous ne nous soyons revus. Jusqu’à 12 années pour le plus grand nombre, peut-être même 15 pour certains. En tout cas, bien plus d’un bail commercial pour la grande majorité …
Les années 90, la fougue et la générosité de la jeunesse, un investissement personnel hors norme, le talent brut, une expérience professionnelle incomparable qui nous a fait grandir ensemble…, et tant d’autres choses encore qui constituent sans nul doute les ingrédients d’une potion magique : voici la raison de notre présence à cette soirée informelle.
Ensemble, et souvent à nos esprits défendants, nous avons connu un état de grâce. Celui qui règne dans certaines entreprises, et que les spécialistes du management connaissent bien. Ils s’entêtent à vouloir l’analyser et le décortiquer, pour espérer vendre la formule à des dirigeants en panne d’enthousiasme et d’adhésion. Mais en fait, les ingrédients ne sont rien sans les hommes et les femmes qui font naturellement le sel d’une grande aventure humaine.
Et donc, ce mercredi soir, une partie d’entre nous a choisi de se réunir autour d’un verre et de quelques Tapas.
On s’embrasse, on se sert la main, on se tombe dans les bras.
Des sourires, des éclats de rire, quelques souvenirs, mais surtout du plaisir. Oh oui ! Profiter pleinement du plaisir procuré par l’évocation d’une époque tant sublimée, et dont on sait pourtant qu’elle est belle et bien révolue.
Tout en marchant sur les traces du passé, on transmet des messages, on recueille les dernières nouvelles des uns et des autres, on en donne de ceux qui n’ont pas pu se déplacer, on cherche également à en avoir de ceux dont on ne sait plus rien.
Même si certains ont gardé un contact sur les réseaux sociaux, les échanges de photos et de bouts de phrases rapidement rédigées ne peuvent être comparés à cette occasion de se revoir en vrai, de se toucher, de se parler.
C’est curieux : les questions fusent, mais les sujets abordés s’adaptent d’eux-mêmes à la frontière mouvante de ce que l’on ressent comme appartenant à l’intimité de chacun.
Pas de jugement, pas de jalousie. On fait fi des quelques dissensions du passé. Plus de barrières hiérarchiques ; uniquement le partage d’un fragment de vie, d’une histoire commune, tout en ayant la certitude d’avoir contribué à réaliser ensemble quelque chose de grand.
Mais l’instant n’est pas à la nostalgie, et l’on se garde bien de la montrer lorsque, au détour d’un regard, d’une pensée ou d’une phrase, elle vient frapper là, au creux de la poitrine, en plein cœur.
Et puis c’est la fête, que diable ! Un tel moment se célèbre !
À la manière des membres d’une équipe de sport qui vient de gagner son match, on crie, on s’applaudit. Ah, que cela fait du bien d’exulter tous ensemble et sans complexe, au rythme des « Tchika Tchika Tchik, aïe ! aïe ! aïe ! ».
Peu à peu, les échanges démonstratifs et les voix qui portent le verbe haut et fort cèdent à des discussions plus calmes et sereines. Le restaurant se dépeuple, les mots se font plus feutrés. Il est venu, le temps des confidences.
Mais en fait, ce soir, que sommes-nous vraiment venus chercher?
Des nouvelles des uns et des autres, un moment de convivialité ? Bien évidemment ! Le plein d’énergie ? Et pourquoi pas !
Pour ma part, et même si j’ai suivi de loin le parcours de la plupart des Ex, j’ai aussi besoin d’entendre, souvent émerveillé, le récit du chemin gravi par chacun. Au bout du compte, n’y rechercherais-je pas l’une des clés de ma propre identité ?
Les premiers prennent congé ; le temps est passé si vite. On se salue, on se promet de se revoir bientôt. C’est sincère, et cela arrivera peut-être. Non, sans aucun doute !
Un noyau dur de quelques unités répugne à se disloquer. On prolonge les retrouvailles sur le trottoir retardant ainsi au bout du bout de la soirée l’instant de se perdre de vue.
Mais décidément, le moment est venu. À pied, à cheval et en voiture, on rentre chez soi. Covoiturage par-ci, bras dessus bras dessous par-là.
Comme un dernier clin d’œil, les facéties des sens interdits font se croiser les équipées nocturnes. Des signes joyeux de la main répondent aux appels de phares, mais cette fois c’est la bonne… On rentre vraiment chez soi !
La tête pleine de visages bienveillants et de merveilleux souvenirs, il est temps de s’endormir.
Aux confins du petit matin, la tête embrumée de cauchemars familiers, c’est une gueule de bois pourtant sans alcool qui cogne à mes tempes et insiste pour me réveiller totalement.
C’est encore et toujours l’histoire du retour de démons qui n’ont pas abdiqué. Mais quand se lasseront-ils de se faire chasser ?
… Des cauchemars, certes, mais à propos d’une époque pourtant si formidable !
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