« Gouverner, c’est prévoir »

« Gouverner, c’est prévoir », une formule couramment employée au début du 19e siècle. Pourtant, le constat est rude : depuis quand les dirigeants français (mais aussi de bien d’autres pays) n’ont plus réellement gouverné ?

Prévoir, c’est avoir une vision du monde, une vision pour son pays et au minimum un projet. Prévoir, c’est préparer l’avenir et non pas poser des pansements sur le présent. Mais je ne sais plus qui a très justement dit que, « pour gouverner, il faut se faire élire ». Et pour se faire élire, il faut dire ce que tout le monde aimerait entendre, promettre, et caresser l’électorat dans le sens du poil. C’est ainsi, pour se faire élire, il faut dire que demain tout ira mieux, que l’on rasera gratis, et qu’il y aura des fruits dans les arbres, des légumes dans les champs, des forêts giboyeuses, et des fleurs à toutes les fenêtres.

Malheureusement trop de dirigeants ont marché sur les traces de Machiavel qui assurait en son temps que , « Gouverner, c’est faire croire ». Certainement la principale raison pour laquelle, aujourd’hui, seul un tiers des électeurs veulent encore croire, tandis que les deux tiers restants ne croient plus en rien et tournent résolument le dos à la démocratie. Et comment ne pas les comprendre lorsque les conséquences de l’incurie de nos élites se font autant jour depuis trop d’années.

Deux exemples viennent évidemment en tête pour rendre concret ce manque qui nous étrangle :

Nous savions depuis longtemps que partout dans le monde des laboratoires travaillaient sur de nouveaux virus et des bactéries résistantes, dans l’optique de mener ou de contrecarrer des guerres bactériologiques. Des alertes étaient pourtant apparues au quatre coin du monde. Rien n’y fit. La crise sanitaire version Covid-19, que nous traversons a montré, et nous n’en avons pas terminé, combien la plupart des pays y sont mal, voire pas préparés du tout.

Nous savons depuis longtemps que l’énergie fossile se raréfie, ou qu’elle devient peu à peu plus chère et dangereuse à exploiter, et qu’elle génère une source de pollution de plus en plus inacceptable pour la planète. Depuis quand n’avons-nous plus de politique énergétique cohérente ? Depuis 35 ans ! Pour se faire élire, en unissant carpes et lapins, on a promis l’avènement des énergies renouvelables et le remplacement du nucléaire. Et toujours pour plaire, ou faire taire, on a renoncé au coup par coup aux unes, et démantelé prématurément les autres. Pour se réveiller un jour, l’autonomie énergétique envolée, à devoir acheter à d’autres pays trois à quatre fois plus chère l’énergie qui fait tourner notre économie.

Sur la même dynamique, la faillite définitive des piliers du modèle français nous guette, (l’école, la médecine, la justice, pour n’en citer que trois). Tous à bout de souffle et pour lesquels aucun plan de restructuration sérieux et de longue haleine n’est en cours, ni même envisageable, tant sur le plan fonctionnel que financier. Déjà présent à nos portes, ce sera sans nul doute le prochain choc à endurer pour tous. Ce qui fait la différence avec la crise énergétique, c’est le temps de l’immédiateté. Les piliers de notre société s’enfoncent progressivement, mais sûrement. Et ce n’est que lorsque les fondations imploseront que ceux qui gouvernent prendront la mesure du chaos. Trop tard, évidemment.

Alors, que répondre à ceux qui attendent l’avènement d’un homme ou d’une femme providentiel(le) qui, tel un maître absolu, construirait la nouvelle société dont le 21e siècle a tant besoin. Mais encore faudrait-il que cet homme ou cette femme providentiel(le) existe, et que nous le reconnaissions.

Il serait salutaire que l’on vote beaucoup moins pour inventer et bâtir sur le long terme un avenir plus humain, sur une vision fédératrice. Est-ce possible, ou ne s’agit-il pas d’une douce utopie ? Malheureusement, il est à craindre que dans un cas, comme dans l’autre, les choses finissent mal. Mais les murs du palais présidentiel n’ont-ils pas aussi entendu dire souvent, « Après moi, le déluge » ? 

Comme vous me lisez, vous comprenez à quel point je suis désemparé, non pour moi-même, mais pour mes enfants et petits-enfants.