Laâm d’Anglade flotte sur le Thalys


Jean-Hugues Anglade est formel !
Voyant les personnels du Thalys se débiner, « le visage blême », courbés en deux dans la travée principale de sa voiture, et considérant que les voyageurs étaient lâchement abandonnés, son sang n’a fait qu’un tour. Lui, l’acteur, la star surentraînée des 36 saisons de la série télévisée « Braquo », n’écoutant que son courage, se rua, héroïque, sur le signal d’alarme. Il en porte encore les stigmates sur la paume de l’une de ses mains au point, terrible conséquence, de n’avoir pas été certain de pouvoir jouer de la guitare au festival de Trifouillis-les-Oies.

Alors, il témoigne !
Il se sent investi d’une mission : rétablir la vérité sur les événements qu’il a vécus. Rendez-vous compte de l’aubaine, la presse écrite, les radios nationales et même la télévision, lui tendent micros et caméras !
Il peut ainsi nous rejouer la scène dans ce wagon qui, dit-il, « sentait la mort ».
Il nous dit combien il est ulcéré qu’un agent du train, avant même de déclencher l’alarme, ait choisi de s’enfermer dans un fourgon avec quelques passagers, sans prévenir les autres.
Il nous raconte avec des trémolos dans la voix combien il s’est cru abandonné, quand l’employé du Thalys n’a pas voulu lui ouvrir.
Et surtout, il raconte comment il a été livré, lui et sa famille, à la rage du terroriste qui se ruait sur les passagers.

Évidemment, cela fait grand bruit.
Remarquez bien qu’il s’agit de monsieur Jean-Hugues Anglade. Ce n’est pas monsieur Durand, ni même monsieur Dupont. Notez-bien aussi que sa compagne est journaliste à Paris-Match, une garantie absolue d’objectivité !
Alors, c’est obligé. Il faut prendre en compte ce que monsieur Anglade a à dire. La directrice générale de Thalys et le président de la SNCF doivent le recevoir d’urgence, et avant de démarrer une enquête. Dame, les journalistes s’agitent.

Dans le même temps, terrible boulette, la star internationale a obtenu les faveurs de … Paris-Match, mais a raté la Légion d’Honneur décernée aux héros ayant évité le carnage.
Et oui, le Président de la République, n’écoutant que son courage pour défendre sa cote de popularité, a déjà dégainé l’arme absolue : les breloques et la photo à l’Élysée.
Il reste cependant une seconde chance pour réparer l’erreur. Mais c’est bien sûr ! Il pourrait profiter de la remise de médaille au héros hospitalisé. Rappelez-vous, la star a tout de même été blessée !
Tout de même, monsieur le Président… Libération d’otage, acte terroriste et dénouement heureux avec sauveurs américains, le chômage en forte baisse de 0,1%,… l’été s’est montré généreux !

Seulement voilà, monsieur Anglade ! La vérité est plurielle. Elle peut-être même cruelle.
Qualifier de « blêmes », des visages aperçus à la dérobée et tournés vers le sol, c’est possible … mais la position est peu aisée. S’ouvrir la main en tirant une poignée pour déclencher l’alarme, sans avoir à briser une glace qui n’existe pas, c’est possible, mais fort maladroit.
Bon, ne soyons pas puristes. Dans un tel moment où la peur et l’angoisse priment sur la moindre des réactions, tout est probable…
Mais quant à être livré au terroriste dans « un wagon qui sentait la mort », encore eût-il fallu se trouver dans son wagon, et qu’il ne fut pas maîtrisé avant, en à peu près 15 secondes, selon l’un des acteurs principaux du drame, évidemment présent dans le « bon » wagon, et au contact du dégénéré.
Mais comme l’a déjà dit le Président de la SNCF, dans sa grande sagesse, toute vérité est bonne à écouter, même si elle n’est pas la seule … (un bon sujet de philo pour le bac !).

Et les états de Laâm, me direz-vous, dans tout cela ?
Et bien cette autre sommité de la société française tweete, à l’annonce du drame évité et à qui veut bien la lire, qu’elle ne se sent pas vraiment en sécurité. À vrai dire, elle plaisante dira t-elle plus tard, après avoir été vilipendée par l’intelligentsia parisienne… Enfin c’est vrai quoi, se défendra t-elle, il lui arrive aussi de prendre le Thalys.
Comme s’il n’y avait pas des millions de personnes à travers le monde qui prenaient quotidiennement des transports en commun, et qui pourraient être légitimement angoissées. D’ailleurs, beaucoup ne l’étaient-ils pas avant l’attentat du Thalys ? Et à combien se monte le nombre d’innocents ayant payé de leur vie des actes meurtriers insensés.
Alors, je m’interroge…
Laâm et toutes ces personnalités, qui ont cru bon s’exprimer pour proférer des banalités, auraient-elles soudain une conscience, ou plus tristement besoin d’exister ?
Nombreux sont ceux qui aujourd’hui désignent et fustigent les lâches et les responsables. Nombreux sont ceux qui soudain se réveillent, et énoncent des idées d’une débilité absolue. Certains n’ont d’ailleurs jamais pris le métro de leur vie. À peine leur est-il arrivé un jour de visiter un PC de surveillance, devant des caméras complaisantes. S’il vous plaît, un peu de sérieux. La sécurité n’est pas une affaire de communication.

Pour ma part, c’est certain ! Si j’avais été dans ce Thalys, je me serais fait dessus (pour m’exprimer poliment).
Je pense aussi que j’aurais développé par la suite une véritable phobie des trains. Mais je suis certain que je n’aurais pas joué les redresseurs de torts ou cherché à livrer mes impressions à la France entière. C’est d’ailleurs dommage. J’aurais peut-être vendu un peu plus de livres …
En revanche, ce qui me rend admiratif, c’est que des personnes aient eu le courage et la présence d’esprit de maîtriser un illuminé, avant qu’il ne perpétue une tuerie.
Ce qui m’interpelle, c’est que celui qui a été le 1er à intervenir ait souhaité garder l’anonymat.
Mais surtout, ce qui m’interroge, c’est que, en d’autres lieux et beaucoup plus fréquemment, des personnes faibles se font attaquer en toute impunité par des mineurs, que des femmes se font battre, voler, et même violer, en public, et tout cela, devant des regards qui affectent de se détourner.

*****  

Un grand vacarme
Sans même un gendarme
Ça a du charme

Pour être devant
Pour être un survivant
Facteur aggravant

C’est ça mon arme
Convoiter une alarme
Couler une larme

C’est tout le drame
Avec ma copine Laâm
D’être dans la rame

Mais, c’est ma came
De faire ma réclame
Monter en gamme

Toujours me servant
Et ça m’arrive souvent
Que d’être un vent

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6 Commentaires

  1. La comédie du pouvoir se substitue à l’exercice du pouvoir, la comédie de l’action se substitue à la véritable action : on est dans la caverne de Platon.
    Les média ne sont plus le « 4ème pouvoir ». Ils sont devenus le premier.
    Merci Pascal d’avoir exprimé notre écœurement
    Au fait, à quand les badges « je suis Thalys » ?

    Aimé par 1 personne

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  2. korolev Fabienne

     /  31 août 2015

    Bonjour Pascal, C’est toujours un régal de te lire. Le sujet de philosophie sera certainement très difficile à corriger.J’aime ton analyse sur ce sujet. La critique est aisé et l’art difficile. Qu’aurions nous fait ? j’aurai sans doute été tétanisée, mon cerveau en état de stress aurait fait l’autruche.A moins qu’un vent d’héroïsme avec une bonne grosse dose d’adrénaline m’eut poussé à devenir « superwoman ».Je te souhaite une excellente semaine.A te lire,   Fabienne

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  3. Tu as bien raison. D’ailleurs, il y a des paroles d’une chanson de J.J. Goldman qui disent un truc du genre : « Si j’étais né en 17 à Leidenstadt. … De quel côté me serais trouvé si j’avais été allemand ?
    Il y a aussi le bon vieux dicton populaire : « C’est au pied du mur qu’on voit le maçon ! »

    Désolé pour tous les lecteurs érudits, mais bon … On a les références que l’on peut, et puis zut ! On ne peux pas être toujours au top.
    Merci Fabienne de tes encouragements !

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    • Rassure toi Pascal, JJG c’est le top !
      Par contre le dicton populaire est erroné « : c’est en HAUT du mur qu’on voit le maçon (il a su le construire). En BAS du mur, c’est l’architecte et le maître d’œuvre que l’on voit…

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      • Merci pour avoir rétabli le bon dicton.
        Ceci dit, dans mon cas, je pense que l’on se serait très vite aperçu que je ne suis pas en la matière un 1er ouvrier de france ! 🙂

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