La Boîte de Pierre Rabhi


Durée de lecture : 2mn 30s
… Et plus si affinité !

À peine né, on cherche à s’élever, à se mettre debout. On apprend à marcher, et dès les premières foulées, on accélère. Plus on est jeune, plus on accélère. C’est naturel, notre réservoir est plein d’énergie. On ne se pose pas de questions, on avance. On regarde droit devant. On saute même allègrement les obstacles dressés en travers de notre chemin.
Dans cette course effrénée, nous jouons des coudes, nous traçons vers notre horizon sans prêter plus attention au monde qui nous entoure.
Nous sommes même persuadés que le ciel n’a pas de limite. Normal, à cet âge, nous sommes libres et nous sommes les rois du monde !
La maturité aidant, on se cherche souvent une direction … un sens. Le chemin devient plus sinueux. On s’assigne de nouveaux objectifs, on agit selon des valeurs, on se construit des repères.
Seront-ils suffisants pour nous permettre de garder l’équilibre, ou serons-nous à l’image de cette pièce qui roulait jusqu’alors sur la tranche et qui, prématurément en bout de course, hésite, zigzague et s’affale ?
Pile ou face ? Qu’importe, le résultat serait le même !
L’équilibre serait-il une construction virtuelle si fragile qu’il ne demanderait qu’à s’effondrer à la lueur des premières difficultés ? Décidément, non ! On s’accroche, et la roue continue de tourner.

Mais, plus on prend de l’âge, plus on ralentit. Et dans ce monde épris de modernité, nous comprenons souvent tardivement que le mouvement qu’il imprime est, sinon ravageur, pour le moins stressant. Inexorablement, immergés dans le flot des participants à cette course de la vie, nous nous faisons rattraper. Bientôt, nous sommes dépassés.
Les pas se font plus lourds. Et quand on marche de plus en plus lentement, que le chemin soit droit ou sinueux, demeurer debout devient compliqué. Un jour, il est temps de se rappeler que dans la course à la mort, il n’existe que des gagnants. Alors, il faut bien finir par tomber …
… Mais que la vie fut belle !

À moins que …
À moins que mes repères fussent des leurres, mes valeurs des placebos, mes objectifs des mirages. À moins que j’aie agi selon des codes, et que mes envies aient été conditionnées. À moins que j’aie vécu dans un cadre imposé, ou dans une cage, fusse t-elle dorée !
Face à ce soupçon, comment ne pas me souvenir de cette pensée du philosophe, Pierre Rabhi, selon laquelle l’itinéraire d’un être humain dans la modernité ressemble à un enfermement :
« De la Maternelle à l’Université, on est enfermé, on appelle cela un bahut … Même pour aller s’amuser, on sort en boîte. Et pour y aller, on prend sa caisse. Plus tard, on travaille dans des boîtes. Des petites, des moyennes ou des grandes boîtes. Puis, on rentre chez soi … une nouvelle boîte … Et bientôt, on nous change de boîte, pour nous installer dans celle où l’on stocke les vieux … Pour bien sûr finir, un peu plus tard, dans une dernière boîte !
Voilà pourquoi, on peut se poser la question : existe t-il une vie avant la mort ? Parce que si vivre, c’est subir une continuelle incarcération, jusqu’au moment où le système vous rejette et vous place dans un lieu de transition avant votre disparition … Cela veut dire quoi ?
La réponse est simple : Aliénation. Aliénation fondamentale de l’être humain. »

Fichtre ! Un raisonnement qui donne à réfléchir …

Et moi, dans quelles boîtes me suis-je donc fourré, de gré ou de force, depuis ma naissance ? Et pourquoi n’ai-je pas su, ou voulu, entrer en résistance lorsque j’en ai eu l’opportunité ? Sans compter que, à tous égards, des boîtes, j’en ai développées, … j’en ai même créées.
Et enfin, comme il est difficile de ne pas songer aux progrès de la technologie et à tous les efforts qui sont faits pour nous cataloguer et nous profiler. Dès la naissance, le monde numérique nous traque pour définir et anticiper nos besoins, établir nos habitudes, nos préférences, nos envies…
… Alors, à bien y penser, est-ce un si grand progrès que celui qui vise à analyser nos comportements, au point de nous placer dans des cases ?

*****

La ligne droite
C’est cela que je convoite
Être dans la boîte

Que l’on m’exploite
Et tout devient adéquat
Pour être dans le squat …

 Découvrez la suite de l’illustration poétique de Didier REGARD

*****

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7 Commentaires

  1. Et splash! En pleine poire celle-là! Quelle réflexion! Sans avoir lu Pierre Rabhi, j’avoue avoir eu pensées similaires. À un certain point, ça fait même peur. Hé! Je n’ai même pas besoin des autres pour me faire peur.

    Mais c’est tellement vrai ce qu’il dit… existe-t-il une vie avant la mort… petite phrase si simple, juste quelques ch’tits mots, mais qui bouleverse tellement quand on y prête attention.

    Tout va trop vite, on n’a plus le temps de penser, de respirer, de relaxer… ni de vivre. On s’imagine que l’on vit car on court tout le temps… on travaille, on voyage, on a tout plein de gugusses dans la maison… la technologie nous sort par les oreilles, on se tient occupé… on court après le temps et on butine de boîtes en boîtes sans rien récolter… mais, a-t-on vécu, vraiment vécu une vraie vie? Très peu d’entre nous peuvent s’en vanter.

    Il serait peut-être temps de s’arrêter et de faire un trou dans nos boîtes, un trou assez grand pour y laisser entrer le soleil de la vie, un trou assez grand pour s’échapper… un pas dans l’inconnu où on peu se rabrouer les ailes, les sortir de la boule à mites, et juste s’étirer et réapprendre à voler.

    Merci pour ce texte Pascal… super! Vous avec des titres à me suggérer de Pierre Rabhi?

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    • Comme je me félicite d’avoir fait court cette semaine ! Vous avez complété ce billet à merveille, et je vous en remercie infiniment.
      Concernant Pierre Rabhi, … Il y a tant à lire. Je vous conseille de filer sur YouTube ou sur Goggle (qui vous dirigera) en tapant simplement son nom. Vous aurez un bel aperçu de la profondeur de l’homme et des sujets qu’il aborde à travers les extraits de ses conférences. Vous pourrez ainsi faire votre choix.
      Bien à vous, Pascal L.

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  2. Fabienne Allard Korolev

     /  14 décembre 2014

    Et La boîte à coucou?! Coucou! Sujet difficile le devenir de l’homme. Certes nous naissons tous pour mourir. Certains et certaines plus vite que d’autres. Nous sommes dans notre société conditionnés et manipulés. C’est peut être le propre de l’homme. Il y a ceux qui pensent, luttent, réfléchissent, … Et les moutons… Il y a toujours plus de moutons que de pensants. Reste la question du/des bergers…

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  3. Ton texte m’a fait penser à Matrix : Nous sommes dans une matrice, nous croyons diriger notre vie et en fin de compte, ce n’est qu’un rêve, une illusion !…. Si on retire du film tous les combats et les effets spéciaux, on retrouve la notion de samsara du bouddhisme…. Mais sommes-nous prêts à rester assis à méditer pour voir les choses telles qu’elles sont… ou dit autrement, à regarder les ficelles du grand manipulateur ! Comme nous sommes des grands enfants, nous préférons regarder le tour de magie côté salle que côté coulisse !!

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    • Joli, les références à la « matrice » et au Samsara. Vous m’avez donné grande matière a pousser plus loin ma réflexion. Merci bcp. Je suis admiratif.
      Et enfin, c’est peut-être une bonne idée que celle de rester un grand enfant : pour bien des choses cela simplifierait nos vies, et puis surtout, je trouve que ce serait un joli pied de nez à la Vie !

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