Paris, Gare du Nord : Je descends !


Durée de lecture : 3mn 27s

Cette semaine, je suis monté à la capitale pour un passage éclair de 26 heures. Anecdotique ? … Pas vraiment.

Parisien, pour y avoir habité et travaillé près de 40 ans, cela fait maintenant 14 années que je vis à la campagne, dans le sud-est de la France (Oh zut ! je vous ai presque donné mon âge).
Je savais être un privilégier et posséder une qualité de vie enviable, mais je ne savais pas à quel point je pouvais être … « décalé ».
Sans être tout à fait un ermite, disons que j’ai le temps de réfléchir. Oh bien sûr, j’ai la chance de pouvoir voyager régulièrement, et je me tiens au courant de l’évolution du monde « extérieur » en surfant sur Internet ou sur des stations de radios spécialisées, mais aussi importantes et précises que soient les informations auxquelles j’accède, j’ai la grâce de pouvoir garder une distance observatrice. Et lorsque je sors de mon cocon, je m’adresse le plus souvent à des gens que je choisis, qu’il s’agisse de professionnels, de relations ou d’amis. Lorsque je me décide à sortir en ville, je choisis l’heure, le lieu et l’activité.
En somme, je suis tel ces jeunes gens qui s’isolent dans un monde virtuel en grands virtuoses des joysticks les plus sophistiqués. Il me plaît de croire que ma différence est de le faire sans avoir besoin de suivre les scénarios experts des jeux vidéos.

Évidemment, cela ne m’empêche pas de porter un regard sur le monde et la France. Je nourris de fortes convictions, mais je vous rassure, je suis aussi pétri de doutes. Je ne peux m’empêcher de porter également des jugements sur mes concitoyens, notre démocratie et immanquablement, sur nos hommes politiques.
Vous me direz que je ne suis pas le seul. D’autres agissent de la sorte en restant bien calés dans leur fauteuil, les yeux rivés à leur platitude d’écran de télévision, abordant le monde à travers le regard des journalistes et les épisodes de séries bien formatées.

Et alors ? Vous dites-vous très certainement en lisant ces quelques lignes …
Et bien, cette semaine, j’ai été amené à fréquenter, en deux occasions, un endroit que je croyais bien connaître. Un endroit que j’avais traversé très souvent dès l’adolescence venue : La Gare du Nord.
Et la Gare du Nord m’a fait comprendre, en deux heures, combien Paris m’était une ville familière, une ville où je savais retrouver instinctivement mes marques, mais aussi combien ma vie de parisien et de banlieusard n’était à présent qu’un souvenir bien éloigné de la réalité d’aujourd’hui.
Car ce n’est pas une théorie, ni même un concept : plus le temps passe, plus les choses évoluent, plus elles s’accélèrent.
Nul doute, désormais, je vis en parfait décalage avec une France que je croyais connaître. Et figurez-vous que je l’ai compris en plongeant dans les entrailles de la Gare du Nord !

À la tombée de la nuit,
J’ai vu une gare moderne et des rames transiliennes d’une technologie patente et aux intérieurs magnifiques.
J’ai vu un monde souterrain que se partageaient boutiques et vendeurs à la sauvette ; j’ai vu des couloirs bondés où la vraie et fausse misère se côtoient sans gêne et sans heurts ; je n’ai pas entendu de musiciens.
J’ai vu un hall de gare où le sport national semble être de bousculer sans ménagement ceux que l’on croise ; j’ai vu des écouteurs et des casques sur bien des oreilles ; j’ai vu des discussions, des disputes solitaires ; j’ai aussi entendu une jeune femme en grande discussion téléphonique avec son amoureux, et qui me fixait sans aucune pudeur.
J’ai vu toutes les ethnies et toutes les tenues vestimentaires de la planète ; j’ai vu les yeux perdus et effarés des touristes anglais, et même ceux de quelques chinois selfistes.

Au matin,
J’ai vu la France qui livre, celle qui délivre et même celle qui est ivre.
J’ai vu, à 9h20, deux très (très) jeunes femmes fêter leurs retrouvailles à la terrasse d’un café en commandant au garçon désabusé une bouteille de champagne. Je les ai vues accostées sans vergogne par des hommes peu respectueux ; j’ai bu un double express de 4 petites gorgées tiédasses, pour 4,40 €.
J’ai vu un chauffeur de taxi refuser une course à un monsieur qui n’en était même pas surpris ; j’ai vu deux touristes se faire racketter par un homme qui les avait suivis à la tête d’une station de taxis.
J’ai vu beaucoup de gens tirer brièvement deux ou trois bouffées d’une cigarette, et semer leur mégot au hasard des trottoirs et des passants.
J’ai vu des jeunes filles habillées si légèrement que j’avais peur de les voir prises à partie et plus, si pas d’affinités ; j’ai vu un jeune homme sans ticket de métro se glisser derrière moi et se faire arrêter par des policiers dont il se moquait ouvertement : « oh ! Bouffon, contrôle d’identité, pas contrôle de billet ! »

En fait,
J’ai vu la France qui grouille, celle qui se débrouille et même celle qui a la trouille ;
J’ai vu la France qui bosse dur et celle qui mendie ferme ;
J’ai vu la France qui vendange, celle qui boit et même celle qui cuve ;
J’ai vu une France cosmopolite mais sans identité.

 

Alors, j’ai regardé le cadran sur le fronton de la façade de la gare, et il m’a semblé que le temps s’était arrêté à l’horloge de mes souvenirs.
Soudain perdu, je ne savais dire si j’étais devenu un étranger, ou si je me sentais débarquer d’une autre planète.
Mon regard s’est posé sous l’immense verrière du Hall. Devant cette masse humaine pour qui tout semblait si assumé et si normal, en vérité, je me suis senti … vieux.

Gare du Nord

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Avez-vous remarqué
Qu’il y a des gares masquées
Destinations manquées …

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3 Commentaires

  1. Vieux Pascal ? Non ! chanceux ? Oui. Habiter le Sud c’est fabuleux. Amitiés;

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  2. Mais non, tu n’es pas vieux, tu es juste décalé avec le monde qui nous entoure ! Et ce n’est pas un mal, j’apprécie tous les jours de vivre à la campagne. Quand je vais à Angoulême, c’est très vivant, plein de monde sur les terrasses et dans les rues mais… pas de bousculade, pas d’agressions olfactives ou visuelles. Je me sens entourée de gens civilisés !!!! A Paris, ça doit être rare…. c’est sûrement la promiscuité qui engendre la jungle !!!! Pour info, j’ai vécu 10 ans à Paris…. dans ma jeunesse !! ;-))

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    • Oh, merci Doudou LAventurier ! Enfin quelqu’un pour m’écrire que je n’étais pas vieux. Je commençais à désespérer :-))
      Pour le reste, tu as trouvé le bon mot : la jungle.
      Il existe cependant des jungles qui me rappelle d’excellents souvenirs… Celle de Mooglie, par exemple… Ah, nostalgie quand tu nous tiens ..!

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